Rien ne me prédisposait à découvrir ce film si jeune. M'étant pris d'une soudaine passion pour les films d'horreur à l'âge d'onze ou douze ans, j'enregistrais et regardais tout ce qui passait à l'époque sur Canal. Autrement dit, je me tapais toutes les bouses des années 1980 (même si j'ai aussi à l'époque découvert pas mal de choses qui valaient bien plus que ces petits films d'horreur bidons). En tête de ces films, ce Phantom of the Paradise que je pensais être un film de ce genre. Détestant profondément (hier comme aujourd'hui) les films musicaux (excepté The Wall parce que c'est Pink Floyd), ce film avait donc tout pour me déplaire.
Choc à 11-12 ans pourtant et choc renouvelé (pour des raisons forcément différentes) tout au long des décennies suivantes à revoir ce film devenu un véritable film de chevet. Esthétique renversante (même si les split-screen ne sont pas ma tasse de thé), interprétation hors pair, renouvellement de thèmes littéraires (Faust, le fantôme de l'opéra, Dorian Gray, Frankestein), bande originale à tomber, rythme endiablé, folle histoire d'amour, trouvailles formidables (le masque et le boitier vocal du Phantom qui inspira George Lucas), humour noir, ironie, critique cynique du monde du show-biz, mise en boite de la variété (le glam rock notamment), tragédie aussi bien sûr, tout est parfait dans ce film.
C'est à mon sens la plus grande réussite de Brian de Palma qui tourne en dérision et avec intelligence sa propre expérience de réalisateur frustré d'avoir vu un de ses premiers films lui échapper totalement, qui n'oublie pas de tourner quelques scènes en hommage au maître Hitchcock (celle de la douche bien sûr qui est une délicieuse parodie de celle de Psychose). Le film est d'une richesse incroyable, la symbolique à chaque recoin des personnages et de l'histoire, chaque scène une trouvaille et l'ambiance générale donne une identité que peu de films ont réussi à acquérir. Phantom of the Paradise est l'illustration typique des oeuvres qui pourraient donner lieu à des milliers de pages d'analyses et d'interprétations.
Un chef d'oeuvre intelligent qui aborde des sujets majeurs (l'amour, la mort, la création) sans jamais donner l'impression de se prendre au sérieux. Du grand art.