Porté par un casting faisant des merveilles, ce thriller savamment orchestré frôle le sans-faute...
A la croisée des chemins entre Mystic River et Zodiac, Prisoners est indubitablement une sacrée découverte, et ce en nous offrant l’un des tous meilleurs thriller de l’année, tout en me permettant de prendre connaissance d’un nom jusque-là inconnu, à savoir celui du réalisateur canadien Denis Villeneuve.
Celui-ci nous livre en effet avec son dernier film en date une référence du genre, et qui sans pour autant réinventer les codes propres à ce dernier, est fait d’une qualité rare, sans pour autant atteindre le seuil de la perfection… on pourrait en effet débuter par l’énonciation d’un des rares points négatifs arborés par Prisoners, qui tient d’abord lieu de sa durée pour le moins conséquence ; ajoutez à cela un rythme volontairement lent (posé), un bon nombre de plans allant en ce sens et vous obtenez un rythme qui pourra en dérouter plus d’un.
Toutefois, ce constat est à nuancer, car la grande force de Prisoners est de parvenir à nous happer au sein de son récit tortueux avec une aisance folle, aussi n’ai-je pour ma part nullement été affecté par les longueurs parsemant le long-métrage, tant ce fameux récit est foutrement dense ; et si l’on poursuit sur le scénario, on peut ajouter que celui-ci est d’une solidité à toute épreuve, et qui malgré son aspect un poil alambiqué du fait des très nombreuses hypothèses et pistes abordées, parvient à se dérouler de bout en long de façon cohérente.
Par ailleurs, il convient de souligner l’ambiance diablement intimiste et oppressante que dégage sans discontinuer le film, car outre le suspens prenant littéralement aux tripes, l’absence quasi-totale de BO renforce de sentiment de tension ambiante ; le ton est donc ni plus ni moins réaliste, sombre mais aussi foutrement gris, comme si Prisoners s’était pour ainsi dire imprégné du climat hivernal le composant (soit dit en passant, la photographie est superbe).
Pour en revenir à l’intrigue, celle-ci est donc mortellement prenante, et l’on ressort plus que satisfait des révélations finales, alors que le long-métrage continue jusqu’à la dernière seconde de nous tourmenter de façon jouissive ; de même, bien que globalement avare en action à proprement parler, les quelques pics de violence distillé avec intelligence par Prisoners remplissent avec brio leur office, tandis que celui-ci prouve qu’il sait être dantesque à sa manière…
Enfin, comment ne pas revenir sur l’un des majeurs atouts du film de Denis Villeneuve, à savoir ses personnages et les interprétations y étant associées ?
Évoluant au gré de la mise en scène somptueuse de Villeneuve, ces-derniers sont grandement recherchés et intéressants, car au même titre que la dualité atypique des disparus dans Prisoners, ils ne sont en rien manichéens du fait des parts d’ombre propre à chacun ; ainsi, même la galerie de protagonistes secondaire réalise un sans-faute, et l’on retiendra notamment les partitions réussies de l’ambigu Alex Jones, campé par un excellent Paul Dano, et du très contrasté Keller Dover, pour lequel Hugh Jackman se fend d’une prestation convaincante en évitant le piège du sur-jeu.
Mais celui à qui revient ici, et ce sans conteste possible, la palme de l’interprétation n’est autre que Jake Gyllenhaal, celui-ci brillant d’un charisme et d’une prestance affolante, tout en donnant vie au foutrement intrigant Loki, sorte d’anti-héros mystérieux à l’allure et aux méthodes entraînantes.
Bref, on accroche totalement à l’enquête menée par ce dernier, et l’on est ni plus ni moins conquis par Prisoners ; l’œuvre de Denis Villeneuve est donc une réussite à tous points de vue, et l’on regrettera au final uniquement le caractère plutôt classique du long-métrage… mais l’austérité a du bon, ça ne fait pas un pli.