The Wall 2015 est un spectacle imaginé, écrit, tourné, joué par Roger Waters, qui endosse enfin le rôle de Pink, jadis interprété par Bob Geldof. Pink, ce ne peut être que lui, son double, son histoire et ses angoisses...
J'aime Pink Floyd. J'ai adoré le double album The Wall et été fasciné par le film d'Alan Parker. Première surprise, l'histoire a changé. Roger Waters a vieilli. Entretemps, il a manifestement réglé ses comptes avec sa mère, le rock, le sexe, la violence, la drogue, ses potes de Pink Floyd et Alan Parker.
Désormais, seul maitre à bord et comme apaisé, il déroule une histoire infiniment moins sombre, débarrassée de (presque) toute schizophrénie, terreur, folie... C'est un Roger serein qui marche sur les traces de son grand-père, tué dans le nord de la France, puis de son père, tué à Enzio. Deux hommes jeunes, si jeunes qu'ils laissaient des bambins qui ne garderont aucuns souvenirs des disparus. Si l'histoire pourrait être la mienne ; mon père a perdu son grand-père sur le Chemin des dames et un oncle à Dunkerque ; le film de 1982 instaurait une distance, il était furieusement anglais, des uniformes des soldats et des élèves aux cités ouvrières et aux skinheads. La seconde version se fait plus universelle.
Un septuagénaire raffiné nous reçoit dans son manoir puis, nous embarque dans sa Bentley, pas un de ces affreux paquebots futuristes et germaniques contemporains, mais un modèle ancien, où tout est calme, bois, métal, cuir, luxe et ronronnement feutré et voluptueux. Roger nous mène dans la Somme, puis sur les routes du sud, direction Anzio et Cassino. La France est si belle. Les hôtels confortables. Oubliez les scènes de guerre et de destruction, M. Waters commente ses souvenirs et visite les tombes des siens. Les stigmates de l'horreur ont disparu. La nature a repris ses droits, une seconde chance est offerte à l'humanité. Il ne subsiste du déchainement du mal que les blessures humaines, celles des survivants et des descendants. Des stigmates que Roger tente de partager avec son frère, puis, plus maladroitement, avec ses petits-enfants ou petits-neveux.
Le propos a changé. Le rocker libertaire et contestataire de mon enfance s'est mué en noble et alerte vieillard sage et pacifiste. La guerre tue. La guerre affame. La guerre enrichit grandes puissances et multinationales. La guerre frappe en Iran, en Afghanistan et au Yémen. Nous sommes tous d'accord.
Tournées en ultra-haute définition, les images sont somptueuses. Sur scène, le travail des techniciens est extraordinaire. Le mur s'érige sous nos yeux ébahis, il bouge, vit, chante et explose, déchainant les ovations d'une foule extatique. Le public communie aux invitations du vieux rocker. N'y a-t-il pas une étrange ironie à voir ces sexagénaires et septuagénaires transporter un public juvénile ?
Allez, une dernière fois, ce refrain qui m'habite depuis ce jour faste de mes seize ans où, dans une salle obscure et étrangère de Birmingham, je découvrais, tétanisé, la version d'Alan Parker :
We don't need no education
We don't need no thought control
No dark sarcasm in the classroom
Teachers leave those kids alone
Hey ! Teachers ! Leave those kids alone
All in all you're just another brick in the wall
All in all you're just another brick in the wall
https://www.youtube.com/watch?v=YR5ApYxkU-U