Auteur de l'un des tous meilleurs thrillers de cette décennie (Prisoners), Denis Villeneuve s'est affirmé d'une bien belle manière à Hollywood, aussi son dernier film en date ne pouvait que titiller ma curiosité : avec son casting solide (le mot est faible), Sicario se présentait ainsi sous les meilleurs auspices, et nulle déception au terme de ce polar estomaquant dans son genre.


Certes, l'intrigue n'est pas aussi aboutie qu'espéré, et là est le seul véritable point d'ombre à ce somptueux tableau ; il en ressort d'ailleurs une drôle de sensation, le long-métrage malmenant à sa manière le spectateur en le maintenant au même niveau que celui de sa figure centrale, Kate Macer.


En ce sens, cette dernière se voit reléguée ici au rang de simple témoin, sans aucune réelle prise sur la tournure des évènements, dont il résulte une sorte d'opacité scénaristique particulière ; pourtant, l'intrigue ne fait jamais mine de piétiner, bien au contraire, le récit paraissant maîtrisé sous toutes ses coutures.


Sicario nous précipite ainsi dans son univers de loups, où la loi du plus fort n'est pas loin de primer, mais sans virer pour autant dans un schéma aussi basique : entre portée politique et envers des cartels tout-puissants, l'univers qui nous est dépeint s'avère aussi limpide que tortueux, et de fil en aiguille foutrement immersif, vraiment immersif.


On ne peut d'ailleurs pas dire que le film y va avec le dos de la cuillère, entre sa violence (sans jamais trop en faire) très prononcée et une entrée en matière grisante, celui-ci nous remue les tripes avec une aisance folle ; la séquence introductive annonce ainsi le ton sans ciller, son atmosphère pesante à souhait et les prémices d'une mise en scène au cordeau nous frappant de plein fouet.


On touche alors du doigt tout ce qui fait la force de Sicario, à savoir cette réalisation magnifique de Villeneuve, celui-ci démontrant une fois encore sa maestria, d'autant que son équipe artistique/technique ne lui fait à aucun moment défaut (à commencer par une photographie parfaite) ; malgré une intrigue faisant parfois des siennes, cette démonstration visuelle emporte donc notre adhésion, l'immersion étant garantie de bout en bout.


Savamment dosé, le rythme nous offre ainsi de fort savoureux pics de tension, comme peut en témoigner ce dantesque "raid" mexicain, celui-ci ne manquant pas de nous couper le souffle au terme d'un suspense allant croissant ; la trame (surprise) vengeresse ne manque également pas de mordant, celle-ci apportant au récit une empreinte viscérale, dont le caractère classique ne pèse pas bien lourd dans la balance.


Sur ce point, l'aura des protagonistes n'y est pas indifférente, la puissance d'interprétation d'un casting décidément génial leur apportant une crédibilité et une profondeur savoureuse au possible ; si Emily Blunt s'en tire avec les honneurs, le ton décalé d'un Josh Brolin inspiré et le faciès inquiétant d'un Benicio del Toro charismatique marquent fortement les esprits, tandis que la galerie secondaire s'acquitte de sa tâche sans anicroches.


Imparfait comme atypique, Sicario n'en demeure pas moins un nouveau coup de maître de la part de Denis Villeneuve, de quoi me laisser penser qu'il serait enfin temps de me pencher plus assidûment sur sa filmographie...

NiERONiMO
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le 19 nov. 2015

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NiERONiMO

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