Le "Suspiria" de 1977 est à la fois l'une des œuvres les plus connues de Dario Argento, et un grand classique du cinéma d'horreur, apprécié par de nombreux fans du genre. Difficile donc d'en faire un remake qui fasse oublier cela... Et pourtant, Luca Guadagnino a su relever le défi ! Cette version 2018 reprend les mêmes éléments que l'original, à savoir une jeune Américaine qui débarque dans une école de danse allemande à la fin des 70's, tandis que l'école en question est gérée par un sinistre couvent de sorcières. Sauf que le scénario s'éloigne ensuite considérablement de l’œuvre originale !
Outres des personnages intéressants, bien campés par Dakota Johnson et Tilda Swinton (qui s'offre trois rôles troublants pour l'occasion, dont deux où elle est méconnaissable), la narration proposée est à la fois lente, hypnotique, et dense, et contient des sous-intrigues qui donnent un poids social et politique inattendu à l'ensemble. Critique des dérives du pouvoir, du sentiment de honte et de culpabilité post-3ème Reich qui n'est pas forcément chez les bonnes personnes, causant ainsi des instabilités, dérives du féminisme : les sujets évoqués sont riches...
Côté visuel, Luca Guadagnino se démarque une fois de plus de son prédécesseur. Là où la version de 1977 se voulait baroque avec ses couleurs primaires saturées et cauchemardesques, cette version 2018 utilise des techniques typiques des 70's (travelings, zooms brutaux...) et des couleurs hivernales et ternes, pour donner une ambiance anxiogène au film. Avec en prime une photographie et des plans maîtrisés, et un montage qui rend certaines scènes horrifiques particulièrement dérangeantes, "Suspiria" cuvée 2018 est donc une réussite. S'il n'est pas forcément facile à appréhender, ses visuels, ses sujets et son atmosphère lui donne une vraie identité.