Placer du Karl Marx pour lancer une critique sur un drame social américain, je ne l'aurais jamais cru avant....de voir les drames américains des années 50 et 60.
Mais en même temps...Tout ce que le ciel permet est tellement révélateur d'un style. Du style de ces drames venant mettre en exergue le poids des conditions sociales et des traditions, le poids de l'acceptation par ses pairs mais aussi du puritanisme américain provoquant un décalage entre les aspirations des uns et les traditions des autres. Pour une société si nouvelle que celle des États-Unis, c'est quand même cocasse de réussir à être plus traditionaliste que les vieux États Nations européens.
Tout ce que le ciel permet fait partie des drames comme les américains en ont fait tant. Des drames en forme de conte amoureux tout en critiquant l'exécrable société américaine statufiée et basée sur la réussite capitalistique et bourgeoise. J'y retrouve le message des films tels que La Fureur de Vivre, La Fièvre dans le Sang, Sabrina et certainement tant d'autres drames américains. Sauf qu'ici ce n'est pas la jeunesse qui est ciblée mais bien l'américain classique d'une quarantaine d'années. Cary Scott est veuve et bourgeoise, Louis Kirby est jardinier. Il s'aime. Ils sont amoureux. Mais la société est une pute et le poids de ses codes empêchent tout mariage car même si Cary veut s'émanciper, son éducation l'a rappelle toujours : le jugement des autres, l'acceptation sociétale, etc...
L'histoire est déjà vu mais l'alchimie entre Hudson et Wyman est redoutable. Jane Wyman est incroyable de sensibilité, elle interprète parfaitement cette veuve qui veut continuer à vivre mais sur qui toute une société pèse. Hudson est lui d'un charisme dingue, son parlé, sa prestance et sa relative dureté contrebalance parfaitement la grande sensibilité de Cary. Douglas Sirk livre un véritable conte.
Porté par une mise en scène toute en finesse d'un Douglas Sirk que je découvre ici. Tout ce que le ciel permet est un drame heureux. Car malgré les turbulences sociales et familiales, tout finit plutôt bien. Il aura fallu une sacré chute pour y arriver tout de même. Sur la route de l'amour, les enfants de Cary auront été des capricieux détestables surtout ce fils qui empêche sa mère de vivre. La scène du réveillon de noël est surréaliste et montre tout l'égoïsme d'un fils à qui on a tout donné dans le creux de la main et qui malgré sa jeunesse est un conservateur immobiliste. Elle tranche avec la soirée festive faite à la campagne avec Louis et ses proches. Louis a beau être jardinier, il reste tout de même bien élevé mais la bourgeoisie l'a déjà classé. C'est un jardinier, il n'est pas des nôtres.
D'une Cocktail Party a une baie vitrée scouatée par une biche, Cary Scott est tout du long balancée entre sa condition (et ce qu'elle entraine) et ses sentiments.
Tout ce que le ciel permet est un conte volontairement optimiste poussant chacun à vivre sa vie sans s'arrêter au jugement des autres. Une critique violente de l'Amérique. Une idée de la vie ne se souciant plus de la possession mais du bonheur. Bien loin de Karl Marx et de l'idée sociétal américaine, Tout ce que le ciel permet est une ode à la liberté de chacun. Qu'elle soit dans la réussite sociale ou dans un moulin dans les bois, la liberté de vivre est nécessaire et Tout ce que le ciel permet, nous le rappelle avec fougue, brio et peut-être un peu d'idéalisme.