Coup de marteau final du Festival de Cannes 2017 « You were never really here » est un film noir et brutal aux accents Scorcesiens dans lequel Joaquin Phoenix campe un soldat de retour de guerre d’Irak en souffrance. Devenu marginal et reconverti en justicier violent au cœur de réseaux pédophiles, lorsque sa dernière mission dérape Joe n’a plus d’autre sens à sa vie que de secourir coûte que coûte la fille d’un sénateur américain.


Après une brillante scène d’ouverture, programmatique et oppressante dans la peau de ce personnage mystérieux (ouverture dont la construction rythmée et millimétrée rappelle celle de Drive de Nicholas Winding Refn), le récit dessine lentement, à l’aide de flashbacks clairsemés, les contours torturés de sa personnalité. Joe est un anti-héro sombre et tari d’ambiguïtés. Martyr de guerre, abandonné par son pays et hanté par la culpabilité de ne pas avoir su protéger sa mère d’un mari ultra violent, sa survie et son humanité ne tiennent qu’à un fil: les nuits new-yorkaises sont devenues un exutoire à sa colère et les journées auprès de sa mère sénile se révèlent être son seul acte de foi. Comme s’il affrontait la mort pour mieux se réveiller et faire disparaitre ses démons, entre tentatives de suicide avortées et massacres sans pitié il trouvera finalement son salut au terme d’un long chemin de croix face à des hommes répugnants et vers la lumière d’espoir que porte en lui l’enfant, son alter ego, qu’il sauvera.


Grâce à une mise en scène esthétique et très appliquée (la bande son est redoutablement efficace et le travail de la photographie somptueux) Lynne Ramsey signe une tragédie âpre, puissante, aussi violente qu’émouvante dans son dernier acte. C’est un message de bienveillance et d’humanité qui finit par surgir de manière assez inattendue après un véritable bain de sang. On pourra à cet égard reprocher à la réalisatrice britannique la grandiloquence de ses symboles sanguinolents (le suicide imaginaire faisant écho au titre du film, le deuil du père au côté d’un ravisseur mourant…), des défauts qui affectaient déjà lourdement son précédent film « We need to talk about Kevin ». Heureusement, l’ensemble est ici un peu plus subtil, plus rugueux et finalement assez réussi; une réussite qui tient beaucoup dans la performance habitée et christique de Joaquin Phoenix.
Les deux récompenses au Festival de Cannes 2017 paraissent donc méritées: Prix d’interprétation masculine pour Joaquin Phoenix et prix du scénario pour Lynne Ramsey.

FredBloodgreen
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le 28 oct. 2017

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Fred Bloodgreen

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