Un jour on fera l'inventaire apaisé et objectif du déconstructivisme des années 50-70 qui ont vu nombre d'intellectuels occidentaux saper les fondements de leur civilisation...Pour le meilleur parfois, le fumeux la plupart du temps et le pire souvent - notamment dans l'héritage qu'ils ont laissé et dans lequel nous pataugeons actuellement (relativisme culturel, communautarisme, haine des intellectuels et des savoirs classiques, haine de la méritocratie, dérives fascisantes du féminisme et de l'anti-racisme, et j'en passe certainement...).
Le cinéma a payé son écot à ce mouvement, Godard plus que tout autre : Radicalement nouveau, "A bout de souffle" s'inscrit effectivement dans ce mouvement intellectuel visant à tout relativiser et à renverser la table des valeurs.
De fait, rien n'est respecté : le scénario ? Balek. Le montage ? Balek. Ellipses et raccords abrupts le disputent aux scènes qu'on n'hésite pas à allonger au-delà du raisonnable, communément admis à l'époque. Les cadrages ? Balek, à la va-comme-j'te pousse, selon l'humeur du moment.
Dit comme ça et à voir en ce début du XXIe siècle, on pourrait penser que A bout de souffle est un grand bricolage foutraque, une aimable fantaisie potache, un objet archéologique intéressant mais certainement pas un film qui aurait bien vieilli. Et on se tromperait lourdement : si ce film est légendaire, c'est bien parce qu'en plus d'apporter un, euh, souffle ravageur sur le cinéma académique de l'époque, en plus de représenter une époque d'intense créativité et de remises en question, il n'oublie pas d'être Beau et Bon, bref, d'être un pur objet artistique : couple mythique Belmondo-Seberg, photo splendide en noir et blanc de Raoul Coutard, répliques cultes, hommage aux films noirs américains (comme quoi, ce A bout de souffle a su aussi se trouver de bonnes racines)...
Godard ouvre une voie nouvelle, révolutionne le cinéma mondial quasiment à lui tout seul... et finira par se perdre et nous perdre dans la recherche pure (ça c'est que je dis quand je suis d'humeur bienveillante, parce qu'honnêtement, ces derniers films c'était du foutage de gueule pur et simple).