Très bien, un chouette film pour qui aime le genre policier en huit-clos. Qui parvient à utiliser les codes de ce genre, tout en apportant une touche d'originalité par rapport à ceux-ci. Il faut dire que ce type d'intrigue était quelque peu tombé en désuétude, et qu'il y avait donc matière à innover, aucun réalisateur (ou romancier quelque peu connu) ne s'étant vraiment penché sur le sujet depuis, disons, la mort d'Agatha Christie.
L'hommage à cette dernière est d'ailleurs évident, Daniel Craig interprétant à merveille un Benoit Blanc très Poirotesque. Accent français, ou du moins cherchant à apparaitre comme tel, rodomontades, bienveillance tirant parfois sur le paternalisme, postures physiques de chat. Tout y est, il ne lui manque à vrai dire que la moustache. Le film lui emprunte également le thème du meurtre à huit-clos, au sein d'une famille de la haute, dans laquelle les convenances laissent vite la place aux rancœurs et aux intérêts personnels de chacun...
Et l'intrigue est digne de la reine crime et qui plus est très finement scénarisée. Car le montage joue avec énormément d'habileté sur les flashbacks, très fréquents dès le début et tout au long du film. Mais ceux-ci ne laissent paraître que ce qu'il a à laisser paraître au moment où ils s'insèrent dans le déroulé de l'intrigue. Très ingénieux : ça facilite le suivi par le spectateur (car l'histoire est tout de même embrouillée, c'est la moindre des choses) et lui épargne le flashback final parfois indigeste, celui qui montre le meurtre tel qu'il s'est déroulé, que l'on trouve un peu systématiquement dans des adaptations plus anciennes des romans d'Agatha Christie, comme par exemple Mort sur le Nil ou le Crime d'Orient-Express.
Alors, me direz-vous, où donc est l'innovation que j'évoquai en introduction ? Eh bien, ce film est également une peinture sociale au vitriol des classes aisées étasuniennes. Beaucoup plus directe que n'ont pu le faire Agatha (avec les classes aisées anglaises) et certain(e)s de ses contemporain(ne)s. On serait plutôt en fait dans une tonalité un peu à la façon Chabrol. Démocrates ou républicains, ils en prennent tous pour leur grade, cela grâce à d'excellents dialogues, pleins d'un humour souvent grinçant et souvent très fin. Du coup, on sent que les acteurs se font plaisir à jouer leurs personnages, en particulier ces vieux chevaux de retour que sont Jamie Lee Curtis et Don Johnson.
Pour conclure, j'avais quelque appréhension à aller voir ce film qui est tout de même un produit de l'industrie hollywoodienne (même si la plupart de mes éclaireurs SC l'avait très bien noté). Appréhension balayée au bout d'une demi-heure de visionnage...