Loin des chemins balisés de l'horreur, Liam Gavin nous propose une expérience que nous serons bien sûr libres d'accepter ou de refuser. Perdue dans l'humidité de la campagne galloise, une expérience un peu sèche, à la forme un peu aride. Rien de très impressionnant à espérer ici, pas de sursauts à attendre. "A Dark Song" est un huis clos, la rencontre de deux êtres abîmés, un rituel occulte strict et très progressif, au caractère souvent punitif, parfois maladif ; pour nos deux seuls et uniques personnages (Joseph et Sophia), il s'agira d'un cheminement intime, d'une lente plongée en soi aux airs étranges de descente aux enfers. Une expérience inhabituelle, lénifiante pour certains, intrigante pour d'autres, dont instiller la peur n'est sans doute pas le but premier. Le rituel mis en place avec une certaine minutie pendant la majeure partie du film parle essentiellement de purification et l'on serait tenté de se demander à quel point la démarche du réalisateur n'aurait pas pour vocation de répondre à un besoin personnel d'exorcisme. Au-delà des thèmes du mysticisme, de l'ésotérisme ou de la magie, "A Dark Song" parle avant tout de la douleur du deuil et d'une mère prête à tous les sacrifices pour avoir le droit d'entendre une dernière fois la voix de son fils disparu, mais aussi et surtout prête à tout pour venger sa mort. Rien ne peut encore la résoudre à accepter son sort, ce qu'illustrera parfaitement le climat de détresse, bien plus que d'angoisse, qui imprègne tout le métrage. Cette intention n'empêche toutefois pas la réussite d'une ambiance sonore assez oppressante souligant avant tout l'épreuve mentale que Joseph et Sophia se sont imposés de vivre ensemble sans s'apprécier ni même se connaître avant d'un peu s'apprivoiser. De l'isolement et de l'enfermement naîtra une sérieuse souffrance, une fatigue, une irrévocable usure physique et psychique en constant contraste avec le calme apparent régant sur ce gris manoir aux allures de grand réclusoir.
Des bougies, des cercles, des triangles, des formules, des cérémonies... À la faveur d'une fleur perdue dans un couloir, le fantastique s'immiscera tardivement dans ce récit rigoureux avant d'ouvrir la porte à une conclusion qui m'avait paru franchement dissonante lors de mon premier visionnage, à la sortie du film, mais avec laquelle je me montrerais plus indulgent aujourd'hui sans cependant lui accorder toute mon adhésion. Gavin semble en effet essayer d'achever son expérience de manière éclatante mais assez peu subtile.
Malgré tout, avec le recul, parlons d'une fin un peu poussive que j'apprécie comme une respiration, un retour à la vie, le deuil une fois accompli.
Nous voici donc face à un univers atypique, une sorte de drame magico-intimiste, sans doute un peu frugal sans être minimaliste, qui décevra les clients de sensations fortes mais aura plus de chances de séduire les amateurs de climats obscurs.