• Mais quand on y pense, y'a forcément quelqu'un qui est mort un jour à l'endroit où on vit.

  • Oui dans les précédents propriétaires, peut-être qu'il y en a un qui est mort dans la maison.

  • Non mais même, au delà de ça. On vit ici mais ça n'a pas forcément toujours été une maison. J'veux dire que depuis le temps que l'homme est là, y'a obligatoirement quelqu'un qui est mort ici.
    Il pointe le sol devant lui des deux mains pour marquer précisément l'emplacement.

  • La maison a peut-être été construite sur un cimetière gaulois !
    RIRES.


A ghost story m'a immédiatement ramené à cette conversation somme toute banale avec un ami, conversation aussi simple qu'elle est surprenante à une heure aussi tardive, après pas mal de verres. Quelque soit l'endroit où l'on se trouve, des gens y sont forcément morts.


David Lowery aurait-il eu la même discussion avec une de ses connaissances ?
Le réalisateur filme ici avec un immobilisme déconcertant les déambulations d'une âme initialement incarnée par un Casey Affleck qui va se retrouver dans de beaux draps [RIRES] après un triste accident des plus banals. Oubliez le spectaculaire ! Le surnaturel doit ici aussi se contenter d'une réalité sans surprises.
Démarrant sur la vie de ce jeune couple, le film installe immédiatement un cadre encré dans le quotidien sur lequel plane l'ombre du fantastique grâce à des plans figés, des lumières, des ombres et une musique omniprésente mais insaisissable. Lowery sème des indices subtils dans ses plans comme des signaux d'alertes inévitables et réussit à lester les moments partagés de ces amoureux en sursis d'une épée de Damoclès. Et la banalité s'insinue jusque dans la mort !
Casey Affleck (si c'est bien de lui dont il s'agit), se retrouve affublé d'un drap blanc et c'est là l'un des points positifs de ce film tant ce fantôme, dans ce qu'il a de plus enfantin, sait se faire à la fois troublant et touchant avec pour seuls traits les plis de son accoutrement et, pour seul regard, deux trous béants. Dans des plans millimétrés à la lumière magnifiquement terne, cette entité de château écossais s'invite en tant que simple spectateur dans cette vie qui ne lui appartient plus et il assiste presque impassible aux conséquences de sa propre absence.
Et le monde, inévitablement, continue de tourner comme il l'a toujours fait.
Le message porté par cet objet cinématographique singulier et profondément pessimiste appuie inexorablement sur la fugacité de notre passage sur terre.
Et quoi de mieux qu'un mort sur qui le temps n'a plus d'emprise pour nous le signifier ?
Lowery utilise une mise en scène inspirée où il décorréle sons et images et joue avec les ellipses pour nous décrire la liberté totale de notre fantôme face aux heures derrière lesquelles nous courrons. Passé, présent, futur, il assiste sous son air impénétrable et impassible aux vies et aux morts, aux destructions et aux constructions finalement dénuées de sens à l'échelle de la temporalité éclatée et étalée du film.
La seule véritable rupture de ton viendra de cette scène de fête où l'on assiste à la logorrhée maladroite d'un homme mettant des mots sur tout ce qui n'était alors que suggéré et laissé à notre interprétation de spectateur, un peu comme moi finalement, lors de cette conversation tardive.
Et si le film souffre de son rythme (ben oui, les morts eux ont le temps), il n'en reste pas moins emprunt d'une vision sombre et désabusée, parfois poétique - "Je crois qu'ils ne reviendront plus" - qui grignote doucement nos neurones une fois le visionnage terminé. Difficile d'être ramené à si peu de choses, à cette insignifiance, à cette fugacité.
David Lowery nous rappelle que même la vie et l'importance qu'on lui donne n'est qu'une question de repères et de perspectives.


A Ghost Story est à ranger dans ces films improbables, qui ne s'apprécient pas pleinement lors de leur visionnage mais qui portent un message, aussi fataliste soit-il, et qui laissent libre court à notre imagination, notre interprétation (pour la fin) et à notre sensibilité.

RicowRay
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le 15 nov. 2017

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RicowRay

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