Ce qui reste
Un simple drap pour raconter une histoire de fantôme. Comme si nous étions revenus à l'âge de l'enfance. Mais une histoire comme aucune autre. C'est une histoire sur ce qui reste. Comme la lumière...
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"En un sens, voyez-vous, la peur est quand même la fille de Dieu. Rachetée la nuit du vendredi saint, elle n'est pas belle à voir non, tantôt raillée, tantôt maudite, renoncée par tous. Et cependant ne vous y tromper pas, elle est au chevet de chaque agonie."
La peur que l'on peut ici transposer par la mort est filmée dans son plus simple apparat: un drap blanc. Pas d'effet spéciaux, pas de cri, pas de larmes, pas de sang, pas de discussions inutiles mais juste le silence. Un silence presque obsessionnel qui est limite le protagoniste de notre récit et nous raconte tant de choses. Un silence qui permet de mieux capter et apprécier la photographie absolument splendide du réalisateur. Des plans qui s’enchainent presque comme un diaporama alternant entre gros plan et plan d'ensemble afin de bien accentuer la solitude du personnage principal.
Un personnage muet, lent, contemplatif qui semble être le reflet du spectateur. Il contemple ce qui se passe devant ses yeux mais ne peut intervenir, ne peut communiquer et ne peut se contenter que d'observer en silence.
Les décors sont tous accordés au récit, le piano qui reflète le coté formelle glacial de la mort comme l'orgue d'une église annonçant la marche funéraire. Les murs blanc, froid de la maison de bois semblant être le cercueil de notre protagoniste et donc le cercueil qui nous tend la main inévitablement.
Filmer la mort c'est filmer le vide, la solitude, l'oubli, la lenteur, le temps qui passe, la froideur, la destruction, l'autodestruction. Mais filmer la mort c'est surtout filmer la vie. C'est deux éléments indissociables l'un de l'autre. La vie c'est ce qu'il y'a avant et après la mort et c'est ce qui lui permet de perdurer et de ne pas passer dans l'oubli.
Filmer la vie c'est filmer de splendides couchés de soleil, une soirée alcoolisée entre amis, une longue dégustation de tarte à la fourchette qui finalement finira dans la cuvette des toilettes comme tout ce que nous pourrions entreprendre.
J'ai habituellement beaucoup de mal avec le nihilisme tant pour moi il est important de toujours chercher le côté positif des choses et donner un sens à notre existence. Cependant, ici, le nihilisme n'est pas enfoncé à coup de marteau comme sur un piquet en bois dans le sol. Non, là, il est amené subtilement. Certes, nous allons tous mourir mais qu'est ce qui nous empêche de vivre.
Un film qui me fait beaucoup penser à un film de Mizoguchi que j'aime beaucoup : "Les contes de la lune vague après la pluie" qui utilise ce concept de boucle et de fantastique pour montrer que la vie n'est finalement qu'un cycle (bien que traitant de sujets radicalement opposés, je trouvais le parallèle intéressant).
Finalement est-il si important de savoir ce qu'il y a écrit sur ce papier puisque l'humanité est vouée à être oubliée? Non. Pourtant, allons-nous ouvrir ce petit bout de papier jaune et nous souvenir? Oui. Même si la mort guette chacun d'entre nous, cela ne nous empêche pas de faire perdurer un souvenir et cela jusqu'à ce que le papier se replie et laisse place à l’obscurité, au silence, à un écran noir, une lumière agressive, des sièges rouges et l'impression d'avoir vu un grand film qui je l’espère ne se recouvrira pas d’un drap blanc avant de disparaître.
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Créée
le 7 mars 2021
Critique lue 147 fois
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