J'ai l'impression que A.I. Intelligence Artificielle de Steven Spielberg (et Stanley Kubrick à l'origine du projet) appartient à cette catégorie de films qui divisent beaucoup (on adore ou on déteste), mais j'imagine qu'il doit y avoir aussi ceux qui se montrent ni particulièrement enthousiastes ni particulièrement agacés, parce que le sujet du film ne leur parle tout simplement pas. Parce que cinéastes par excellence, Stanley Kubrick et Steven Spielberg c'est l'association qui titille la curiosité de tous cinéphiles. Ma suggestion à tous ceux qui n'apprécient pas ce film, c'est de le regarder à nouveau et de lui accorder une nouvelle chance. Votre opinion pourrait changer, pour plusieurs raisons.
Avant toute chose, il faut dire que A.I. Intelligence Artificielle est un film de science-fiction très complexe. Il y a beaucoup à assimiler, visuellement, cognitivement et philosophiquement parlant. Je l’ai vu plusieurs fois maintenant et je ne crois pas avoir encore repéré tous les messages cachés ou autres allégories (il y en a beaucoup). Nous parlons ici de Stanley Kubrick et Steven Spielberg, tout de même. Vous imaginez donc que le film ne manque pas d'ambitions. Je ne suis pas du tout de l'avis général que Steven Spielberg a tout gâché en reprenant le projet de Stanley Kubrick après sa mort. Oui, Stanley Kubrick a soutenu ce projet pendant plus de 20 ans, dés la première écriture et de réécriture après réécriture.
Et pourtant, c’est bien Stanley Kubrick himself qui a choisi son ami Steven Spielberg pour le réaliser, des années avant qu’il ne soit finalement réalisé. Stanley Kubrick voulait la "Spielberg touch" sur ce film, qu'il y apporte sa sensibilité et tout son humanisme. A.I. Intelligence Artificielle est d'abord et avant tout un film de Steven Spielberg et après avoir vu ce film, c'est clair que le sujet lui convenait bien mieux à lui qu'à Stanley Kubrick.
Je ne crois pas non plus que le film soit "30 minutes trop long". Ces 30 dernières minutes ne sont pas seulement une marque de fabrique de Steven Spielberg, elles sont aussi importantes pour la résolution de l’histoire. Tout au long des deux premières heures du film, on s'attache énormément au jeune David (Haley Joel Osment), au point où on finit par croire qu'un robot puisse être plus humain que les hommes eux-mêmes. Ces 30 dernières minutes donnent un sens à tout ça. Sans cette conclusion, le film n'aurait plus aucun sens et perdrait beaucoup en impact émotionnel.
Tout ça nous amène directement à la deuxième raison pour laquelle j'aime autant ce film. L’histoire est celle d’un robot conçu et programmé pour se comporter comme un petit garçon, qui veut être un vrai petit garçon et qui passe littéralement des milliers d’années à rechercher l’amour de sa "mère", alors qu'il a été programmé pour se lier à elle et l'aimer. C’est à partir de ce constat, que toutes sortes de questions sont posées et explorées, sur le sens de l’amour, de l’humanité et de l’existence en elle-même. Je soutiens que cette histoire, racontée de cette manière (l'amour d’un enfant pour sa mère), vous met dans un état émotionnel intense ... les émotions vous envahissent et vous submergent. Il fait bien plus que tirer sur la corde sensible ... il en déchire le cordage.
Bien qu'on puisse se soucier des sentiments exprimés par Robin Williams dans L'Homme bicentenaire (l'histoire d'un robot "adulte" voulant devenir humain), c'est incomparable avec les émotions que nous ressentons ici pour l’enfant David (l'histoire d'un enfant "innocent" qui recherche l’amour de sa mère). Ajoutez-y la performance extraordinaire de Haley Joel Osment, qui est confondant de véracité. Mais ce n'est pas une surprise, il nous l'avait déjà prouvé dans Sixième Sens. Résultat, le film manipule carrément nos émotions, ce qu’il fait trop bien. C'est tellement déchirant, que ça en devient difficile à regarder ... pensez à Bambi, mais sous stéroïdes.
Beaucoup d’entre vous l’ont simplement rejeté, en se disant : "Je n’ai pas besoin de ce truc guimauve dans ma vie". Et pourtant, je suis sûr que Stanley Kubrick et Steven Spielberg savaient exactement ce qu'ils faisaient avec ce film et ils l’ont fait intentionnellement. Ce ton "guimauve", c'est intégré dans l’histoire en elle-même. Alors qu’il s’apprêtait à détruire David, l’animateur de la fête foraine/foire aux "chairs" doit sans cesse rappeler au public que ce n’est qu’une machine (et pas un vrai garçon). Il va jusqu'à implorer le public de ne pas se laisser manipuler par l’apparence enfantine de la machine. Alors que David est en larmes et lui demande de lui épargner la vie, le public est influencé, donnant à David une opportunité pour s’échapper. Les spectateurs dans le film (à l'intérieur) sont manipulés de la même manière que nous, les spectateurs du film (à l'extérieur), nous avons été manipulés.
Si vous l’avez vu et adoré, je n'ai pas besoin de vous convaincre, mais si vous l’avez vu et détesté, revoyez-le ... c’est un film qui mérite vraiment que vous lui donniez une seconde chance.