Nulle haine à avoir envers A.I., plusieurs éléments parlant largement en sa faveur. Pour son potentiel sympathie, son statut de film maudit, échec commercial qui a peu à peu trouvé une reconnaissance auprès du public, et qu'il n'est pas rare aujourd'hui de le retrouver parmis les favoris des amateurs de Spielberg (avec l'indémodable Liste de Schindler). AI est surtout un film ultra ambitieux, qui ne cache pas son absence de prétentions par cette structure du conte (que j'avais justement pris à la découverte comme une lourdeur supplémentaire destinée à souligner encore davantage le potentiel sentimental de l'objet). Or cet aspect du conte sert surtout à caractériser l'ingénuité du robot vedette, et à faire évoluer son intrigue sans avoir à se contraindre avec une trame progressive. Car il n'y en a pas, ce film est une compilation d'idées, qui tente d'exister en formant un tout cohérent, exercice difficile et ici plus ou moins raté.


Ce n'est pas le cas du visuel en tout cas, admirable. Il s'agit d'une synthèse très généreuse qui mixe à la fois la vision spielbergienne du futur (ergonomique à la minority report), qui s'offre le luxe d'explorer beaucoup d'ambiances différentes plus proches du conte, avec la traversée de la forêt, la traque avec les loups en néons et le merveilleux ballon des chasseurs, le gigantesque palace en ruine, ect... Tout en intégrant toujours cette évolution de l'humanité dans les ambiances qui apporte une patte vraiment agréable. Il faut reconnaître à Spielberg qu'il a un véritable oeil de cinéaste pendant plusieurs séquences, à l'image de ce plan incroyable où le reflet d'un robot qui chute glisse sur le long du visage d'un des personnages principaux comme une larme immatérielle.


Le problème constant du film vient de sa nature composite. Il veut montrer les véritables motivations des créateurs du robot, les attentes du public, refaire un petit holocauste hypocritement légal, et donner finalement un parcours de vie. C'est le Chappie d'avant l'heure, en bien plus honnête. Mais la moitié des scènes ne fonctionnent pas sentimentalement. Ce qui est très gênant pour un film s'axant sur une humanité de synthèse. Rien que dans la première partie familiale, on trouve les plus grandes bavures ! L'idée de mettre une mère dépressive qui cherche à compenser le coma de son fils accidenté est excellente. Puis on a cette scène du repas avec cet éclat de rire complètement surréaliste. Que le robot réagisse ainsi, cela se conçoit (il tente un truc), mais la façon dont se comportent les parents est complètement surjouée. Le climax est atteint avec la scène du "Arrête de le secouer, tu vas le casser !" Et le père s'arrête avec un ton très grave genre elle a brisé un tabou... C'est tellement dramatisé avec aplomb que cela tue la spontanéité, et le film fait constamment des erreurs dans ce genre, en dosant mal un passage qui rompt l'équilibre de toute une scène... Alors que certains passages, avec leur premer degré, fonctionnent même en quittant le réalisme (la séquence de traque et de capture, et à la rigueur l'exécution des robots dans la fête foraine, bien que je trouve ce spectacle bien peu amusant). Mais là encore, alors que le film partait dans un registre pessimiste, il se tire une balle dans le pied avec la foule qui ooooh ne veut pas tuer un enfant robot trop mignon et que c'est mal en fait de casser les robots. Tssss.


La fin m'a hélas fait décrocher. En convoquant les extra terrestres pour donner à son robot le statut officiel de dernier être humain, Spielberg part sur un tout nouveau terrain que je trouve davantage bancal que mettant vraiment en abîme les sentiments du dernier homme qui n'en est pas un. Quand on mixe cela avec cette lourde quête de la fée bleue (l'élément redondant bien gras du conte qui lui est agaçant), on obtient finalement un résultat en demi teinte, indéniablement ambitieux (le robot prostitué est une idée plutôt osée, seul Automata y a pensé aussi), mais au scénario et à la direction d'acteur hésitants. Leur personnage principal reste quand à lui réussi, bien que parfois victime aussi du scénario (la séquence avec le couteau au bord de la piscine, non fonctionnelle). A défaut d'aimer, on est par moments ému.

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le 30 sept. 2015

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Voracinéphile

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