Alors qu'il est étudiant en cinéma, Wang Bing traîne dans le quartier de Tie Xi Qu qui se situe non loin de son école. Il s'agissait de la plus grande zone industrielle de l'époque de Mao. Au début des années 90, les usines deviennent déficitaires et commencent à fermer progressivement. En 1999, Wang Bing est un jeune cinéaste ne sait pas trop quoi faire. Il retourne à Tie Xi Qu avec une caméra DV, légère et mobile, et part filmer seul les usines et les gens qui vivent encore dans cette immense zone en train de mourir. Il en résulte un documentaire de plus de 9 heures. Le film est ultra saisissant et étonnement, on ne sent pas les 9 heures passer. Wang Bing montre les choses telles qu'elles sont. Il n'y a pas de voix off, il n'intervient pas. Il n'y a pas de musique non plus. Caméra à la main, Wang Bing filme, et c'est tout. Un énorme effet de réel se dégage du film et c'est peut-être l'un des films les plus honnête et sincère que j'ai vu.
On ressent le vide et la désolation qui frappe Tie Xi Qu et on voit la détresse dans laquelle vivent les habitants de cette région. La première partie du film montre des usines délabrées dans lesquelles errent une poignée d'ouvriers. Ils sont comme des fantômes qui continuent de faire tourner une usine figée dans les années 50 sans réelle raison. C'est probablement ma partie préférée tant on est saisi par le vide de ces usines rongées par la rouille. On se demande comment les bâtiments tiennent debout avec leurs murs défoncés et leurs toits éventrés. La seconde partie nous montre littéralement une ville mourir. Elle commence sur une fête de village et se termine sur la destruction des derniers taudis des familles d'ouvriers. La dernière partie est la plus humaine, car on suit une famille travaillant pour le réseau ferroviaire de la région.
Avec sa mise en scène minimaliste, Wang Bing ne triche pas avec la réalité. Les 9 heures sont nécessaires. 9 heures durant lesquelles on constate les ruines de l'industrie chinoise et l'abandon de la population par le Parti. Wang Bing réussi à capter l'âme de Tie Xi Qu et nous la fait ressentir tout du long en filmant avec beaucoup de pudeur et d'humilité, atteignant la justesse, et c'est beau, terriblement beau.