Un film à la croisée de plusieurs curiosités : un des derniers films de Richards Brooks après avoir traversé les décennies 1950, 1960 et 1970 ; un rôle pour le moins étonnant concernant Diane Keaton, très éloignée de ses pérégrinations comiques et légères chez Allen à la même époque ; et un film du Nouvel Hollywood qui aborde le thème de la libération sexuelle sous un angle tout sauf émancipateur.
Looking for Mr. Goodbar pourrait se résumer à une étude de personnage, une jeune enseignante travaillant dans un centre pour enfants sourds qui se trouve écartelée entre différents pôles. D'un côté, elle subit de plein fouet l'oppression du carcan puritain au sein du foyer familial, avec tout ce que l'éducation catholique de ses parents peut suggérer en matière d'étouffement. De l'autre côté, un attrait grandissant pour les expériences sexuelles plus ou moins baroques, en tous cas très éloignées de ce à quoi son milieu culturel initial la destinait — un mari stable, des enfants bien élevés, tout bien rangé.
Il n'est pas évident de déterminer clairement ce que la trajectoire de Theresa, l'héroïne interprétée par Keaton, reflète dans le cadre de ces années 70 états-uniennes. On sent bien qu'elle se situe au cœur d'un mouvement de révolte, mais l'arrière-plan dans lequel ce dernier émerge ne correspond pas vraiment aux archétypes du genre. Pour le dire autrement, ce n'est pas en fuyant la prison familiale qu'elle trouvera son bonheur, et ce n'est pas en alternant des journées d'éducatrice sage avec des nuits à écumer les bars remplis de marginaux (dans les rangs desquels on compte un tout jeune Richard Gere dans l'un de ses premiers films) qu'elle accèdera à une position d'équilibre stable. On sent poindre une tendance à l'autodestruction en toile de fond, en marge de sa recherche d'un plaisir loin des tabous issus de son milieu, et cette tendance trouvera pour point de chute la séquence finale assez inoubliable, stroboscopique et violente.
Richards Brooks (réalisateur et scénariste ici, adaptant un roman) relie deux caractères diamétralement opposés au sein de ce personnage mystérieux avec une étonnante fluidité, et l'ensemble aboutit à un constat relativement et agréablement ambigu. On ne sait pas vraiment si le regard est amer ou lucide, s'il y a vraiment une morale à tirer de ces déambulations crues opposées entre le jour et la nuit. La double vie de Theresa, hantée par les images de son enfance traumatisante (une forme grave de poliomyélite potentiellement héréditaire l'avait immobilisée pendant une année entière), coincée dans une position inconfortable qui ne flatte pas les aspirations propres à la fin des années 1960, semble la maltraiter d'une soumission à une autre.
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