Si tous les films d' « auteurs » français pouvaient être du niveau d' « A perdre la raison »... Pourtant, le début inquiète : gros plans serrés, réalisateur se regardant filmer... J'avoue que tout ceci n'était pas pour me rassurer. Heureusement, très vite Joachim Lafosse met en place sa démarche, et difficile de ne pas être impressionné par cette dernière. Il est rare de voir un réalisateur capable de créer le malaise avec autant de talent, d'intelligence : c'est simple, en ne disant rien, Lafosse exprime tout, que ce soit à travers les visages, les paroles, les situations... Une angoisse sourde se dégage très rapidement de cette situation familiale aberrante, où chaque personnage est traité avec un soin particulier, offrant au film une crédibilité sans bornes, d'autant que l'intensité va crescendo pour nous offrir 30 dernières minutes pratiquement insoutenables. Cela est notamment dû au choix du metteur en scène de choisir des moments bien précis dans cette vie de « couple », évitant ainsi toute linéarité au profit d'un récit dense et admirablement construit, nous montrant implacablement comment le quotidien peut se transformer en cauchemar de tous les instants. Cela est d'autant plus subtil que la « menace » est sourde, invisible pour la pauvre Murielle, n'ayant aucun moyen d'échapper à cet enfer familial... Au final, le résultat est aussi dur qu'impressionnant, porté par trois comédiens en état de grâce (l'incroyable Emilie Dequenne en tête) et porté par un cinéaste manifestement surdoué : l'un des grands moments de cette (petite) année 2012.