En trouvant une planche de surf abimée, un jeune éboueur sourd-muet va vouloir faire de ce sport sa passion, soutenu par sa petite amie, elle aussi sourde-muette. Cette pratique du surf va être si chronophage qu'elle va tout lui prendre.
A Scene at the Sea est le troisième film de Takeshi Kitano, mais également le premier où il ne joue pas, laissant les rôles principaux à deux jeunes novices, Claude Maki et Hiroko Oshima. C'est aussi sans nul doute son film le plus épuré. De par la nature des personnages, mais aussi parce qu'il laisse beaucoup la sublime musique de Joe Hisaishi s'exprimer. Il y a bien entendu quelques dialogues mais le film aurait très bien pu être muet et aurait été parfaitement compréhensible.
En tout cas, je ne m'attendais pas à être autant ému par cette histoire, sans doute égoïste de la part du garçon, mais dont la ferveur de son amie est réelle ; elle le soutient, l'aide à porter sa planche qu'il a rafistolée avec du polystyrène, l'accompagne de partout, le tout sans qu'ils ne communiquent pratiquement jamais par le langage des signes. C'est aussi ça qui est très beau, car tout passe dans leur regard, un sourire de cette fille, où les mots dépassent les maux. On dirait qu'il y a quelque chose de télépathique entre eux, preuve de leur fusion.
A ce sujet, je garderai en mémoire une scène magnifique avec en fond la musique de Joe Hisaishi ; ils doivent prendre le bus, mais le conducteur empêche le garçon de monter avec sa planche de surf. Il laisse donc sa copine partir seule, et il la rejoindra à pied à leur destination. C'est le seul moment où
ils sont séparés, et on verra cette dernière revoir son ami avec les larmes qui coulent de ses joues.
Tout le film est dans cette pudeur, cette délicatesse qu'on ne connaissait pas de la part de Kitano. D'ailleurs, la mise en scène se veut plus contemplative, avec beaucoup de plans larges. Il y a bien entendu quelques moments d'humour avec deux autres jeunes garçons qui vont vouloir faire du surf mais pas avec la même réussite que le personnage de Claude Maki, mais l'essentiel n'est pas là.
Je reviens sur cette émotion, qui devient totale dans la dernière partie, lors de la compétition de surf à laquelle participe le jeune homme, dont les progrès deviennent spectaculaires.
A scene at the sea est à deux doigts d'être mon film préféré de Takeshi Kitano (après L'été de Kikujiro), dont la symbiose artistique avec Joe Hisaishi était totale. A leur séparation, au moment de Dolls, son cinéma a beaucoup perdu : c'est pour cela qu'il convient de se plonger dans la première partie de sa filmographie, dont celui-ci est une pièce maitresse.