A Single Man commence par une noyade. Une noyade qui illustre le désespoir abyssal de George Falconer, lorsqu'il apprend la mort de son amant dans un accident de voiture. Dès les premières secondes, la musique d'Abel Korzeniowski oppresse et étouffe. Dès les premières seconde, la beauté des images, la délicatesse des mouvements, la douceur des couleurs frappe et étonne. A Single Man commence très fort. S'en suit une heure et demie de même facture, sans aucune fausse note, sans scène déplacée ou dialogue sonnant faux. Un régal.

Il nous est montré le monde de George, tel qu'il le voit, tel qu'il le vit. La froideur des plans, dans des tons grisés, démontre le malheur du personnage, sa mélancolie, sa secrète apathie. Sa souffrance indicible qui le ronge depuis trop longtemps. George fait semblant, mais sa douleur reste flagrante, tant ses gestes semblent las et exempts de toute motivation. George erre sans but. George se perd dans son quotidien morose, sans Jim.

Cependant, la froideur des plans ne prend son importance qu'en contraste avec ces moments de grâce où George semble reprendre goût à la vie, enfin vivre dans l'instant et apprécier ce qui l'entoure. Face à un détail, George s'éveille, et avec lui les couleurs à l'écran dévoilent leurs couleurs intenses. George semble réchauffer son cœur et son âme auprès de ces couleurs chaudes. L'espoir renaît durant ces scènes. On y voit George esquisser un sourire. Grâce à une jeune fille devant lui, un sourire d'une assistante, une rose éclose, ou un beau jeune homme qui s'adresse à lui... Les motifs de son bonheur sont presque anodins, ils représentent le meuble d'une journée que l'on imagine typique d'un professeur dans les années 60.

Or rien n'est anodin. Chacun de ces moments de grâce peut être celui qui fera basculer George du côté de la vie. Quoi, qui lui permettra de prendre de nouveau goût à son existence ? Avant le soir fatidique ou George a décidé de mettre fin à ses jours, trouvera-t-il une raison de vivre, au moins un jour de plus ? C'est tout l'enjeu du film jusqu'à la fin de la journée, et lorsqu'avec elle le film finit, la grâce et la délicatesse qui émanent de l'œuvre marquent inéluctablement. Toujours avec les violons d'Abel Korzeniowski, qui souligne chaque émotion transmise à l'écran.

Colin Firth est très bon. Dans ses yeux se lit la mélancolie de ses pensées, dans sa démarche la morosité de son quotidien, dans ses gestes le factice, le secret qu'il cache. Julianne Moore est éblouissante. Elle est un rayon de soleil. Une rose fanée, trop enthousiaste pour être complètement sincère, mais généreuse et aimante. La seule amie de George ; elle est toute aussi perdue que lui, et tous deux semblent se rattacher à l'autre avec une tendresse aux accents tragiques.

A Single Man est une œuvre mélancolique, riche d'émotions intenses. Un premier film raffiné porté avec élégance par des acteurs prodigieux. Un film paradoxalement porteur à la fois d'une tristesse infinie et d'une furieuse envie de vivre.
Pukhet
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le 15 févr. 2012

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Pukhet

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