Des problèmes de la distribution de films étrangers dans nos salles, nouvel épisode. Après avoir récemment parlé de Memoir of a Murderer, très bon thriller sud-coréen, uniquement disponible sur la plateforme en ligne e-cinema.com, j’ai décidé de continuer à explorer leur catalogue pour me rendre compte de ce que nous pouvions régulièrement manquer. J’ai donc enchaîné avec A Taxi Driver, réalisé par Jang Hun, et avec notamment Song Kang-ho, l’un des deux acteurs principaux de Memories of Murder. Au vu de la qualité de ce film, j’ai en effet compris que nous passions à côté de très bonnes choses malgré nous.
L’affiche du film, montrant un Song Kan-ho arborant un grand sourire, annonce un film enjoué et jovial. Le début du film est d’ailleurs tout à fait dans cette veine, avec ce chauffeur de taxi certes dans le besoin et veuf, mais à la joie de vivre manifeste. Le réalisateur Jang Hun insiste d’ailleurs sur la création de cette ambiance légère et décontractée, avec ses nombreuses nuances de vert et de jaune, rafraîchissantes et apaisantes. Le pays du matin calme est montré ici dans une atmosphère printanière, douce, où la nature est belle et paisible. Tout annonce un feel-good movie, et pourtant, le film finit par prendre une tournure toute autre.
En effet, ces moments d’insouciance qui nous bercent n’ont pour but que de mieux nous faire sombrer dans une horreur qui nous est ici très peu connue et qui, pourtant, a durablement marqué un pays entier. Nous connaissons bien la dynastie Kim, qui impose à la Corée du Nord un régime totalitaire impitoyable depuis soixante ans. Toutefois, la Corée du Sud a également connu la dictature sous Chun Doo-hwan lors des années 1980, et ce sont ces événements, notamment ceux liés au massacre de Gwangju, qui sont racontés dans A Taxi Driver. Le chauffeur, qui parvient à conduire un journaliste allemand dans la ville désormais isolée du monde, découvre avec nous l’horreur d’une réalité qui lui échappait alors. Le vert et le jaune du printemps laissent alors place aux flammes orangées et au gris des débris et des ruines.
Le cinéaste sud-coréen utilise beaucoup les couleurs pour soutenir le ton de son film. Souvent saturées, leur influence sur le visionnage et le ressenti du spectateur s’en retrouve accrue pour mieux aiguiser ses sens et mieux lui faire percevoir ce que le film tente non pas de simplement décrire de manière académique, mais bien de rendre vivant et palpable. Les acteurs contribuent d’ailleurs à cette belle réussite générale, Song Kan-ho en tête, prouvant plus que jamais qu’il est un grand acteur capable de varier les styles et de donner plusieurs aspects à ses personnages sans jamais manquer de cohérence. C’est d’ailleurs une des grandes forces du cinéma sud-coréen, cette capacité à varier autant dans le ton et dans les genres tout en conservant une harmonie plaisante.
A Taxi Driver est un film savamment mené, réalisé et construit. Le choix du chauffeur de taxi, croisant des dizaines de visages tous les jours, parcourant des kilomètres, convient parfaitement à ce périple dans un pays à la fois beau et meurtri. Et le tandem, souvent difficilement conciliable, avec le journaliste allemand, engagé, plus dans l’empathie et la volonté de dénoncer tout en peinant également à réaliser l’ampleur et l’horreur de ce qui se déroule sous ses yeux, fonctionne bien. C’est un film à l’apport non négligeable sur l’aspect historique, nous permettant de vivre ou de revivre ces terribles événements, ainsi que sur l’aspect cinématographique, de par la qualité du travail de Jang Hun. Encore une belle découverte dans le cinéma sud-coréen, que je ne peux que vous inviter à faire également.