Le film qui donne envie de partir sur le champ s'exiler au temple Shaolin pour le restant de ses jours. Des images / plans / composition de toute beauté, même si je n'ai pas regardé la version récemment restaurée (version un peu crade mais acceptable), qui ont incrusté durablement ma rétine. On a un peu l'impression d'avoir eu accès à la matrice d'un genre, toute l'essence du wu xia pian est là.


Étrangement, au moins rétrospectivement, le film met un certain à démarrer. Durant les trois premiers quarts d'heure, il n'est absolument pas question de wu xia pian, on suit simplement un personnage étrange, un artiste à l'intelligence évidente mais qui se cache derrière une forme de modestie. Description méticuleuse d'un village infesté d'espions impériaux. Puis, peu à peu, l'intrigue se met en place, d'autres personnages apparaissent et garnissent le scénario. Qui est qui, qui se cache derrière ces fausses apparences, on ne le comprend que petit à petit. Un sens du rythme bien particulier, puisqu'à près de 2 heures de film, on pense être arrivé à la fin quand survient une ultime pirouette / péripétie pour atteindre les 3 heures de pellicule... Mais je ne me suis jamais ennuyé, et a posteriori, les différentes phases plus lentes servent de moteur au reste.


Tourné à Taïwan, magnifiques paysages, j'ai même reconnu des séquences dans le Taroko National Park, notamment le célèbre Tunnel of Nine Turns. Souvenirs... Le film est empreint d'un symbolisme et d'une esthétique rappelant la peinture. Technique et plastique travaillent de concert, sur fond de discours politique plutôt intéressant et osé pour l'époque. Il y a aussi de l'humour, du fantastique, de l'aventure, du romanesque.


Deux scènes me restent particulièrement en mémoire : celle du manoir et celle dans la forêt de bambous (idée qui sera reprise maintes fois...). Un film d'action étrange, anormalement long, qui oppose la subtilité de l'art à la force brute. Des combats poétiques, précurseurs, autant dans l'action que dans la contemplation, attachés aux détails. La caméra filme les combats de manière étouffée, en brouillant leur visibilité, non sans une certaine dimension spirituelle. Il n'y a pas de réelle séparation entre le bien et le mal.


"Au milieu de l'océan de souffrance, vous avez aperçu la rive."


À affiner :
- Éblouissement permanent, sidération plastique et irradiations lumineuses.
- Gu = lien entre les points de vue.
- Scène de l'attaque du manoir : Révélation de la dimension théâtrale, l'ironie puis la mort.
- Le moine est le zen, l'éclat du soleil, filmé à contre-jour, et se termine pour son adversaire par une vision psychédélique de la réalité.


[Avis brut #12]

Morrinson
8
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le 28 juil. 2015

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Morrinson

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