Quand Griffih se penche sur l'Histoire pour en faire un film, on sait tout de suite que ça va être gratiné. Ici, il raconte la vie d'Abraham Lincoln, le plus grand, le plus fort, le plus beau, le plus divin des présidents du plus grand pays du cosmos, j'ai nommé l'Amewik. Lincoln, c'est les Etats Unis et Griffith, il aime les Etats Unis, de tout son cœur. Il se doit alors d'être l'élu divin qui va propager la bonne parole de Lincoln grâce au cinéma. Rien n'est trop grand pour Griffith. Il dispose de 1H30 pour raconter la vie de ce grand Président, mais échoue lamentablement. Le film ressemble davantage à une série d'anecdotes mettant en lumière les nobles héros de cette époque, sauf que c'est ridicule. Griffith raconte les grands moments de la vie de Lincoln, d'une scène à l'autre, mais ça la rend superficielle. En fait, on croirait un exposé de collégien qui résume la vie d'un gars sur une frise chronologique en disant "Alors, il a fait ça, ensuite ça, puis ça, et ça...". Je me demande vraiment quel est l'intérêt cinématographique de ce film.
Griffith est juste là pour étaler sa petite science sauf qu'il voit l'Histoire comme une tragédie grecque et la traite avec un premier degré consternant. Lincoln est une figure messianique envoyée par le ciel. C'est lui qui guide les USA vers la lumière, en témoigne le dernier plan du film où la statue de Lincoln s'illumine, accompagnée d'un chant religieux. Il s'agit probablement du plan le plus ridicule et grossier que j'ai vu de ma vie. Ou du meilleur ! Je ne voudrais pas manquer de respect à Saint Lincoln.
Lincoln est éloquent, Lincoln est bon, Lincoln est drôle, Lincoln est magnanime, Lincoln est bienveillant. Lincoln prend la pose, son regard profond et assuré témoigne de son infinie sagesse. Plus sérieusement, Abraham Lincoln est pathétique, tellement le jeu de l'acteur est outré. Et à le traiter comme un être divin, le personnage est exempt de toute personnalité et donc d'intérêt. Il n'est qu'une caricature risible du bien. Mais il n'y a pas que Lincoln de ridicule. La plupart des acteurs jouent mal. Griffith conserve l'expressivité du jeu muet, sauf que c'est ridicule. Ce film ressemble aux premiers films parlant diffusés dans Chantons sous la pluie, ceux où tout le monde rigole tellement ils sont nuls. Avec ce film, Griffith confirme qu'il est devenu ringard. Sa mise est plate et datée. On a l'impression que les décors n'ont que 3 murs, car tout est toujours filmé frontalement et dans les mêmes axes. Le passage au parlant est aussi compliqué, car il ne fait qu'accompagner platement ce qu'il se passe à l'écran. Et vu l'indigence des dialogues et des blagues, je pense que Griffith aurait dû rester au muet.