Voir Isabelle Huppert dans la peau de Catherine Breillat (et chez Catherine Breillat), c’était déjà tout un programme. Une symphonie. Et puis voir Huppert (impériale évidemment, sereine souveraine) face à Kool Shen dans la peau de Christophe Rocancourt, l’escroc beau gosse des stars à la ramasse, là c’était plus qu’une symphonie, c’était une promesse terrible. Promesse d’éclats et de frissons, de cris et de fureurs. Promesse que l’on voulait ardemment, violemment même, mais qui s’étiole en fin de route, contre un mur. Abandonnant les penchants scandaleux de ses œuvres précédentes (Romance X, Anatomie de l’enfer et À ma sœur, triptyque insondable), Breillat filme Breillat avec acuité, sécheresse et froideur. À nu.
Breillat vue par Breillat, ça donne Maud Schoenberg, réalisatrice victime d’un AVC puis d’un salopard sans scrupules, fauve en liberté, paquet de muscles, prédateur. Ça donne un corps qui ne fonctionne plus, diminué, rampant, harnaché de bottes orthopédiques en cuir avec velcros. Un corps sous l’emprise d’un autre, massif et agile, enveloppant. Et l’esprit amoindri, fragilisé par l’amitié sournoise d’un homme qui va profiter d’une femme blessée, sous influence (mais toujours autoritaire avec son entourage, familial comme professionnel). Breillat parle d’elle, intime et impudique, balance, n’hésite pas à se dépeindre, par les mots de Vilko, comme perverse, tyrannique ou vieille bourgeoise, parle de sujétion (morale ? Amoureuse ?), de manipulation et d’envies, mais le fait avec maladresse.
L’écueil du film, ce sont ses dialogues. Déconcertants. Mal écrits. Mal embouchés et qu’on dirait déclamés au hasard (Kool Shen a du talent à revendre, mais desservi ici par des répliques fades et quasi identiques pendant tout le film). Dialogues qui, certes, refusent toute psychologie et toutes justifications, mais qui donnent l’impression d’un scénario béant, en chantier, pas fini. Entre chèques à signer, demandes d’argent et coups de téléphone à répétition, Breillat réduit tout à bagatelle, à de simples détails pratiques, et en oublie la fièvre, en sacrifie la relation ambiguë, indéfinissable, entre Maud et Vilko (elle et Rocancourt). Abus de faiblesse, malgré le mystère qui plane (la scène finale, magnifique, où Maud n’arrive pas à expliquer comment elle a pu se faire arnaquer de près d’un million d’euros), n’est que la radiographie polie d’un sabotage sentimental auquel manquerait piment et éloquence.