Face au dernier film de Just (et non pas Florian ; certes, elle est facile !) Philippot, dont la précédente « Nuée » m’a fait me jeter sur le présent « Acide », trois principales critiques me viennent rapidement.
La première concerne l’aspect assez américain du long-métrage. Comme cela a été beaucoup relevé, nous suivons une épopée familiale similaire à celle de « la Guerre des Mondes », mais l’ambiance du film m’a également fait penser à « la Route » ou encore au jeu « The Last of Us ». Rien de bien novateur ni de particulièrement français de ce côté-là, donc. D’ailleurs, excepté quelques répliques échangées dans différentes langues, dont la mécompréhension ajoute au climat antisocial du récit, le film n’est pas vraiment ancré en Europe occidentale, que ce soit visuellement ou thématiquement.
A cela s’ajoute un autre parti-pris trop évident : celui de traiter la catastrophe comme une expérience de guerre de tous contre tous. Face à la difficulté, grosso modo et sauvetages scénaristiques mis à part, les comportements individualistes priment. Aussi, lorsque l’homme se regroupe, son égoïsme anthropologique se conjugue bien sûr à une bêtise que Gustave Le Bon ne désavouerait pas. Vraisemblablement, Pablo Servigne et l’entraide (ou « autre loi de la jungle ») qu’il postule en cas d’effondrement ont encore quelques cinéastes à convaincre. La psychologie que nous dépeint Phillipot n’est pas seulement questionnable idéologiquement : elle n’est tout simplement pas très originale.
Enfin, la métaphore des liens père-fille à renouer, en traversant les épreuves d’une pluie dissolvant tout, est également rebattue, et elle sera traitée comme elle sera conclue : platement et de façon attendue. Faire mourir d’un coup la nouvelle compagne du personnage de Guillaume Canet et délaisser tout aussi abruptement son beau-frère, c’est d’autant plus frustrant que le choix de terminer le film avec le plan de Selma embrassant enfin son père n’est guère surprenant.
Cependant, si l’on réussit à passer outre ces choix trop classiques et ces ficelles trop usées, ce qui a été mon cas, le film a de sérieuses qualités à faire valoir.
Tout d’abord, à une époque où chaque auteur ou réalisateur semble vouloir rendre ses héros immédiatement sympathiques au lecteur/spectateur, j’ai bien aimé le fait que les personnages d’ « Acide » ne soient pas aimables. En effet, l’adolescente crie souvent et ne prend pas beaucoup de bonnes décisions, comme le feraient sûrement certaines adolescentes à sa place. En effet, le père est rustre et se plante plus qu’à son tour, comme le sont et font certains pères. Nous n’avons pas affaire à des surhommes. Entre autres, j’ai trouvé que leur mésentente politique était bien vue, et particulièrement actuelle : à l’écologie contemporaine de Selma répond la lutte des classes à l’ancienne de Michal. Leur manière de considérer le chat, altérité pour l’une, cobaye pour l’autre, illustre ce désaccord de façon aussi charnelle que cohérente narrativement.
Et surtout, il y a l’adversaire principal : la pluie. Au début, je craignais qu’elle soit moins inquiétante que les insectes de « la Nuée », car moins incarnée. Que nenni ! Elle est plus terrifiante, car impersonnelle et inexorable. Face à elle, l’anodin devient surnaturel, et nos besoins élémentaires se révèlent mortels. Pour communiquer le danger, Philippot n’a qu’à filmer des nuages qui s’amoncèlent, des carrosseries qui pleurent, des feuilles qui s’affaissent : c’est par sa simplicité que le péril est terrible. Ajoutez à cela une musique stressante comme j’en ai rarement entendu, et nous obtenons un film particulièrement immersif. En termes de tension dramatique, cela faisait longtemps que je n’avais rien ressenti de tel au cinéma.
Puis, il faut dire, le chemin de croix final, chez moi, ça fait toujours son effet !