Le cœur en exil

Unique expérience derrière la caméra du comédien d'origine cubaine Andy Garcia, "The lost city" est un film raté, mais pas désagréable pour autant.
S'impliquant même dans la musique, Garcia signe une œuvre très personnelle (adaptée d'un livre de l'écrivain local Guillermo Cabrera Infante), narrant l'histoire de sa propre famille au moment de la révolution castriste. C'est donc le point de vue d'un exilé biberonné aux valeurs américaines, et c'est là que réside le premier souci majeur.

En effet, le regard politique de Garcia s'avère simpliste, et peut se résumer ainsi : Castro et sa clique sont en réalité bien pire que le dictateur Batista, pantin aux ordres des autorités américaines. Pour les bourgeois comme la famille Garcia, brutalement privés de leurs privilèges, cela ne fait aucun doute ; mais le constat manque singulièrement d'ampleur, le réalisateur prenant soin de ne jamais évoquer le sort du peuple cubain, caricaturant au passage le Che Guevara tel un fantoche cruel et rigolard.

Bon, de toute manière, un film sur Cuba tourné en République Dominicaine, avec des fonds américains, en langue anglaise, et sans jamais mettre les pieds sur place, cela n'augurait rien de bon. "The lost city" souffre terriblement de son manque d'authenticité, en particulier de son incapacité à mettre en valeur les décors de La Havane (forcément).

Du coup, Garcia limite considérablement les tournages en extérieur, préférant multiplier les séquences musicales sur la scène du Tropico, le night-club dont le héros est propriétaire.
Et c'est cette orientation qui fait paradoxalement la force de "The lost city" ; on assite presque à une comédie musicale, avec de fréquentes évocations des plus grands artistes cubains tels que le chef d'orchestre Benny Moré, le chanteur Tito Rodriguez, ou le pianiste Bola De Nieve.
Par conséquent, le film prend parfois la tonalité d'un conte, et on lui pardonne plus facilement certaines facilités. La présence drolatique de Bill Murray dans le rôle d'un personnage indéfini ("l'écrivain") va dans ce sens.

Hélas, Andy Garcia commet une nouvelle erreur : son film apparaît bien trop long (2H20), choisissant d'étirer l'histoire d'amour entre le héros et la femme de son frère décédé, incarnée par la belle espagnole Inès Sastre. Non seulement cette love story phagocyte le scénario, mais en plus on ne ressent guère d'alchimie entre les deux comédiens...

On le voit, "The lost city" accumule les défauts, auxquels on pourrait ajouter la présence malhonnête de Dustin Hoffmann en haut de l'affiche, alors que le comédien participe à deux scènes en tout et pour tout.
Néanmoins, le film n'est ni désagréable ni inintéressant, assez miraculeusement... Un certain charme se dégage en effet de cette œuvre atypique, d'autant que les films sur Cuba ne sont pas légion. Ce qui n'a pas empêché "The lost city" de faire un bide total lors de sa sortie en salles...