Les hommes de main d’un candidat républicain, défenseur de l’ordre et de la morale. attaquent des colleurs d’affiches de gauche. L’un d’eux meurt. Un commissaire et un jeune inspecteur mènent l’enquête, avec des méthodes qui déplaisent fortement.
1975. Année bénie pour le cinéma. Rendez-vous compte : réunir sur la même affiche Lino Ventura, Patrick Dewaere, Victor Lanoux, Julien Guiomar, Claude Rich et Claude Brosset, en ce temps-là ce n’était pas une prouesse, c’était normal. Des grosses carrures, des gros gabarits, avec des filmographies longues comme le bras, un casting de haut niveau que le temps a rendu encore plus ahurissant pour le cinéphile de base. Cet exploit, qui n’en était pas un, c’est Pierre Granier-Deferre qui le réalise en tournant Adieu Poulet. Honnête artisan du cinéma français, jamais brillant mais toujours fidèle au roman qu’il adapte, Granier-Deferre nous offre cette année-là un film policier imprégné de l’atmosphère politique de son époque, où la violence des durs à cuire du SAC, acoquinés avec la pègre, se mêle à l’hypocrite douceur giscardienne et ses délinquants en col blanc.
Sans avoir la virulence des films d’Yves Boisset comme Un Condé, Dupont Lajoie ou Le Juge Fayard, Adieu Poulet penche plutôt à gauche, avec un scénario et des dialogues bien torchés de Francis Veber, spécialiste du duo cinématographique efficace (L’Emmerdeur, La Chèvre, liste non exhaustive).
Au beau milieu du marigot bien puant, deux flics surnagent et tentent de faire respecter la loi avec plus ou moins de bonheur. Lino incarne le plus vieux, un idéaliste camouflé sous des allures d’ours mal léché, prompt à distribuer des mandales aux méchants comme à tous ceux qui l’embêtent.
Dewaere est le second flic, jeune étalon pas tout à fait dressé, soucieux de faire carrière mais prêt à suivre son (vieux) partenaire dans une enquête dangereuse pour son avancement mais aussi pour sa vie.
Adieu Poulet emporte l’adhésion du spectateur grâce à son duo de comédiens hors normes où notre Lino Ventura national se taille la part du lion. Il peaufine son personnage de policier qu’il retrouve de film en film tout au long des années soixante-dix, le retouchant petit à petit pour en faire un mythe du cinéma français.
Dans Adieu Poulet, sa réplique : « Vergeat , il est à Montpellier Vergeat ! » est restée aussi célèbre que son : « On ne devrait jamais quitter Montauban » des Tontons Flingueurs.
Que ce soit dans Le Clan des Siciliens, Dernier domicile connu ou Garde à vue, il redessine les contours de ce flic profondément humain, à cheval sur l’intégrité de son métier, chatouilleux sur les détails, allergique à l’injustice, pénétré par sa mission de défenseur de l’ordre. Le tandem qu’il forme avec Patrick Dewaere est un véritable régal, la fougue et la colère froide, le feu et la glace, tout fonctionne à merveille entre les deux comédiens. Et pour le spectateur ravi. Dewaere vole quelques scènes à son ainé où il nous offre un échantillon de son talent fou, pour ne pas dire foutraque, qui éclatera quatre ans plus tard dans le plus que sombre Série Noire d’Alain Corneau. Sincère, authentique, névrosé et possédé par son métier, Dewaere, disparu à trente-cinq ans, était sans doute le plus grand acteur de son époque. Trente-cinq ans, l’âge où Lino Ventura, commença, presque par hasard, sa carrière d’acteur dans Touchez pas au grisbi aux côtés de Jean Gabin. Deux comédiens, deux parcours très différents, deux façons de séduire le spectateur, deux époques aussi, le film policier à l’ancienne façon « Grisbi » ayant laissé la place au polar teinté de politique et de préoccupations sociales.
Victor Lanoux, en politicien véreux jusqu’à la moelle, et Julien Guiomar, en directeur de la police corrompu jusqu’au trognon, font, eux aussi, forte impression dans cet Adieu Poulet élevé au grain qui distille du début à la fin un parfum de travail bien fait.
Quand le mot Fin apparaît, les flics ont laissé des plumes dans l’affaire mais les méchants ont perdu. La morale est sauve … mais il s’en fallait de peu.