D'abord, parlons du titre du film en VO qui est "sabotage". Le titre en VF, c'est "agent secret" ... alors qu'au début du film, on prend la peine de repréciser la définition du dictionnaire du mot "sabotage". Et que le mot anglais "sabotage" est exactement le même que le mot français. Surtout qu'un autre film réalisé la même année s'appelle "secret agent" (Quatre de l'espionnage en VF) ... Ah ces distributeurs français (de génie) !!!
Ensuite, le film est réalisé par Hitchcock dans sa période britannique "films d'espionnage" peu après les "39 marches", la même année que "Quatre de l'espionnage" en 1936.
L'histoire relate divers attentats commis par une organisation terroriste dont on ne sait rien, dont l'objectif est de créer la panique à Londres et dont les "terroristes" sont des personnes qui ressemblent plutôt à de bons, bedonnants et paisibles gens à qui on donnerait le bon dieu sans confession. On y trouve, par exemple, chez ces charmants petits vieux, un oiseleur et un gérant de cinéma.
Le gérant de cinéma est joué par un acteur autrichien, Oskar Homolka, d'aspect plutôt gentil et rustique si ce n'est le regard qu'Hitchcock rend inquiétant avec ses yeux clairs inexpressifs et des sourcils très fournis, néandertaliens.
C'est un film qu'il ne faut pas se contenter de ne voir qu'une fois. En effet, le film, au premier visionnage, parait très austère : peu de dialogues, on devine très vite qui commet les attentats, on devine que ces gens là sont déjà repérés et surveillés par la police. On ne retient du film que la scène essentielle de l'attentat dans l'autobus. Bref on a l'impression que le film est ou mal monté ou mal réalisé ou pas très crédible et peut-être les trois en même temps.
Il est indispensable de le revoir car, affranchi de l'histoire, on s'aperçoit d'un fin travail de mise en scène notamment concernant le personnage de l'épouse timide et effacée du gérant du cinéma. On s'aperçoit que la scène de l'attentat (pour éviter de spoiler) est construite avec un suspense grandissant car le spectateur sait à quelle heure la bombe va exploser alors que celui qui la transporte ne sait même pas qu'il porte une bombe.
De même, la scène où l'épouse va tuer le gérant de cinéma paraît de prime abord comme un peu décousue et artificielle. En fait, en la revoyant, on voit mieux l'évolution des personnages à travers les différents cadrages. Alors que le gérant fait des réflexions absurdes ou anodines, l'impuissance de l'épouse se transforme en colère et en désir de meurtre.
Justement le personnage de l'épouse est joué par Sylvia Sidney, actrice américaine. Le personnage a volontairement été mis en scène pour le présenter comme timide et passif voire même complaisant de sorte à le voir évoluer vers un personnage plus "responsable" ou plus "révolté".
Au final, c'est un film contrasté, pas si évident à capter et qui comporte des scènes remarquablement réalisées.
Difficile à noter ce film entre son look "pour cinéphiles avertis" que je pourrais mettre à 7 voire 8 et celui que peut ressentir le spectateur devant un film quand même un peu hermétique où la note pourrait osciller entre 6 et 5.
Je vais me placer dans le cas du spectateur lambda donc ce sera 6.