Aguirre est l’illustration parfaite d’une société humaine qui se morfond dans son système social. Le progrès technique et l’évolution de la pensée ont conduit les hommes à oublier sa faiblesse face à la nature qui se contrefout des rois, des reines ou des croyances. Qui dans Aguirre est le plus sauvage ? Le conquistador impétueux prêt à coloniser de nouvelles terres, mêmes infertiles ? L’indigène qui se nourrit de ses congénères ? Le film montre que tout cela est finalement bien relatif face aux tourments d’un fleuve amazonien ou dans la boue d’une jungle luxuriante.
Aguirre c’est aussi l’histoire d’un homme rendu fou (effrayant Klaus Kinski) par l’obsession du pouvoir et de la conquête conditionnés par une chimère bien occidentale : la recherche d’Eldorado ou le Saint Graal de son temps. Comme si sa destinée manifeste était d’écrire l’Histoire. Que sa mutinerie soit sanctifiée et que les sacrifices mortels que ses décisions impliquent ne forment qu’une chance pour lui de devenir seul maitre du Nouveau Monde. La colère de celui qui se prend pour Dieu c’est ce tourbillon illustré dans les plans de Werner Herzog, l’infini recommencement d’un perpétuel choc des civilisations dont la nature, brute, se moque.