Projet long et compliqué à financer, Le Cravate n'en demeure pas moins un documentaire indispensable à la compréhension sociale et politique de notre pays. D'abord, c'est le portrait d'un jeune militant, Bastien, dont on découvre le juvénile épanouissement au FN, fruit d'une vie déjà cabossée qui s’exprime au fur et à mesure des jours passés avec les réalisateurs. Dans les arcanes du pouvoir, c'est un autre monde auquel nous sommes confrontés, en dehors de l'omniprésent cadre médiatique. Nous voilà au sein d'une structure hiérarchique aux allures soviétiques où les gestes et l’apparat font et défont les réputations. Pas de place, soi-disant, pour ceux qui ne représenteraient pas une vertu correspondante au verbe du parti.
2017 sonnait le glas de la démocratie des grands parties, disparue aujourd’hui à cause de leur propre incapacité à comprendre des électeurs paumés dans une France gangrenée par son impuissance à (se) rassembler. Le FN, en prétendant défendre les faibles contre les forts, le français contre l’étranger, ne déroule pas moins qu’une rhétorique politique qu’il passe pourtant son temps à dénigrer. Un constat frappant dans le documentaire à l’image du responsable de Bastien, BCBG pour qui le mouvement écologiste n’est qu’un cas pratique d’école de commerce, avec sa crainte constante qu’un mauvais mot lui échappe en vidéo. La machine politique se déroule sous nos yeux, implacable cirque où les éléments de langage inventent un amour pour le peuple à l’approche de nouvelles élections.
La Cravate prend sa force dans sa narration, superbement écrite (mais malheureusement strictement pas apolitique), lue et entrecoupée des réactions du militant qui livre aussi son récit autobiographique. Toujours au bon endroit, la caméra ne rate ni les mots, ni les regards qui se cachent autour des caméras de télévision ou des pitreries pour YouTube.
Un témoignage édifiant qu’on aimerait voir reproduit dans un autre bord politique… si tout cela aura encore un minimum de sens d’ici quelques années.