Avec 𝐴𝑖𝑟, Ben Affleck entreprend de retracer la genèse de la mythique chaussure Air Jordan et de la collaboration entre Nike et le jeune prodige Michael Jordan. Le défi était de taille, comment captiver le spectateur avec une histoire dont l'issue est déjà inscrite dans les annales du sport et du marketing ? Malheureusement, le film peine à relever ce pari, livrant un récit qui manque cruellement d'aspérité et d'émotion.
Dès les premières minutes, l'issue est connue; Michael Jordan deviendra une superstar mondiale, la Air Jordan révolutionnera l'industrie de la chaussure, et Nike gravera son nom dans l'histoire. Pourtant, au lieu de nous plonger dans les coulisses passionnantes de cette aventure, Affleck nous propose un film au classicisme sans surprise, où chaque élément est prévisible et fade. La mise en scène manque de relief, se contentant d'un déroulé linéaire qui ne parvient jamais à susciter l'attachement.
Les personnages, écrits de manière superficielle, peinent à dépasser leur fonction narrative. Sonny Vaccaro, interprété par Matt Damon, est présenté comme un négociateur obstiné, mais sa quête manque de tension et de profondeur. Son personnage, monolithique, ne permet pas au spectateur de s'investir émotionnellement. Les autres protagonistes, bien qu'incarnés par des acteurs talentueux, manquent également de nuances. Seul Phil Knight, joué par Ben Affleck lui-même, apporte une touche d'excentricité amusante, mais cela ne suffit pas à dynamiser l'ensemble.
Visuellement, le film offre quelques beaux cadrages et un certain travail sur la lumière, mais ces efforts sont noyés sous une avalanche de nostalgie des années 80. L'abus de références pop-culturelles et de tubes de l'époque donne l'impression d'une playlist aléatoire plus que d'une bande originale cohérente. Au lieu de nous immerger dans l'atmosphère de l'époque, cette surenchère distrait et fatigue, détournant l'attention du cœur du récit.
Le véritable point d'intérêt du film réside en Peter Moore, le designer de la chaussure, campé par Matthew Maher. Personnage fascinant, créatif méprisé et relégué au sous-sol, il aurait pu être le héros d'une histoire bien plus captivante. Pourtant, le film choisit de le cantonner à un rôle secondaire, laissant en arrière-plan ce qui aurait pu être une exploration passionnante de la créativité et de l'innovation.
Le plus grand écueil de 𝐴𝑖𝑟 est sans doute son manque flagrant d'enjeux. Il ne s'agit pas ici d'une entreprise au bord de la faillite tentant une remontée héroïque, mais d'une société déjà bien établie cherchant à accroître sa richesse. L'absence de tension dramatique et d'urgence narrative empêche toute véritable implication du spectateur. Les moments supposés émouvants tombent à plat, à l'image du spot publicitaire dédié à Michael Jordan, qui frôle la parodie par sa maladresse.
En définitive, 𝐴𝑖𝑟 souffre d'un manque de substance et d'une direction floue. Entre une nostalgie mal exploitée, des personnages sans relief et une intrigue qui ne raconte finalement pas grand-chose, le film échoue à créer une émotion durable ou un intérêt profond. On en ressort avec la sensation d'avoir assisté à un exercice de style nostalgique, sans jamais ressentir la passion ou l'intensité que cette aventure commerciale aurait pu inspirer.