Passé malheureusement beaucoup trop inaperçu, le nouveau film de Felix Van Groeningen (auteur du déjà excellent « La Merditude des choses ») se démarque une nouvelle fois par sa singularité, mais de façon très différente de son prédécesseur. Car si l'univers doux-amer du réalisateur est toujours bien présent, tout comme cette galerie rafraîchissante de personnages secondaires, le sujet est tout autre. C'est un drame pur et dur, un mélo comme on en voit plus, ce qui n'empêche pas l'ami Felix de garder quasi-constamment une douceur, une subtilité faisant toute la différence.
Cela s'explique notamment par la construction : à travers un montage incroyablement habile nous montrant toutes les étapes essentielles de leur vie de couple sans la moindre linéarité (leur première rencontre n'apparaît ainsi qu'aux deux tiers), les allers-retours éclairant le passé et le présent de nos deux héros, nous apprenons à les comprendre et à les aimer, que dis-je : à les adorer. Pourtant on ne peut pas dire qu'il aient grand-chose en commun avec moi (ni avec vous, j'imagine), mais leurs réactions sont tellement crédibles, pleine d'humanité, de maladresse parfois, que l'on fond presque dès le premier regard.
Il faut dire que si Johan Heldenbergh est excellent, la magnifique Veerle Baetens est carrément bouleversante dans l'un des plus beaux rôles féminins vus depuis très longtemps, incroyable mélange de douleur, d'émotion et de talent pur... On pourrait la suivre jusqu'au bout du monde. N'oublions pas pour autant quasiment l'essentiel : « Alabama Monroe » est un film sur la musique ! Celle-ci est exceptionnelle, nombre de morceaux s'avérant inoubliables (et pourtant je ne suis pas un dingue de country), apportant à l'œuvre une dimension mélancolique encore plus belle, encore plus grave, encore plus marquante... Pourtant, si certaines scènes sont déchirantes, nous ne tombons que rarement dans la sinistrose, Van Groeningen ponctuant son récit de passages plus légers, à l'image d'un dénouement venant conclure le récit de la plus émouvante des manières. Et tant pis si deux moments sont assez foireux : on ne peut que sangloter devant ce qui est de très loin l'une des plus belles histoires d'amour vues depuis longtemps ; une immense réussite.