Albatros est un film dont le moment-clé, tragique, dure une petite minute (l'événement est d'ailleurs révélé dans le synopsis, ce qui est dommage). Deux parties distinctes cohabitent donc dans le dernier long-métrage de Xavier Beauvois qui raconte d'abord une certaine misère sociale dans une région qu'il connait bien, autour d’Étretat, à travers le quotidien d'une brigade de gendarmerie. Le scénario s'attache avec un certain bonheur à l'étude de ce microcosme, assez représentatif d'une ruralité en souffrance, mais aussi à une évocation assez précise de caractère, avec un personnage principal fort, joué avec puissance et subtilité par Jérémie Rénier, dans ses sphères professionnelle et familiale, lui qui vient d'une longue tradition de marins et se rêve peut-être un jour dans une navigation au long cours et en solitaire. Après la bascule dramatique, le film change radicalement de ton, s'éloigne de la terre ferme et il est permis alors de trouver le temps un peu long même si l'on comprend assez bien les motivations du scénario et ce qu'il se passe dans la tête du héros blessé d'Albatros. Beauvois a du mal à magnifier des images qui deviennent surtout contemplatives et dont on attend avec impatience qu'elles débouchent sur une conclusion significative. L'émotion est finalement au rendez-vous mais ne fait pas oublier le long tunnel narratif qui a précédé et qui incite à restreindre son adhésion à un film qui laisse un souvenir quelque peu mitigé après la projection mais qui devrait bien vieillir dans la mémoire.