Alceste à bicyclette par Notry
Une production qui démarre en grande pompe mais qui ne tient pas la route. Ce film avait pourtant tout pour être classé parmi les meilleurs : Fabrice Luchini, une histoire originale et de l’audace tant dans les dialogues que dans son approche scénaristique. Malheureusement, il y a une connexion qui ne s’est pas faite dans le cerveau d’un des chefs de direction car dès la première moitié du film terminée, celui-ci s’enlise dans une inextricable et inexplicable chiantise dont on peine à admettre la réalité. Et le phénomène est d’autant plus étonnant car cela devient de plus en plus fréquent, cette démarcation nette entre deux moitiés d’un même film. Pourvu que ça ne devienne une habitude que dans le sens inverse.
En effet dès le début, le film nous plonge dans une histoire assez passionnante. L’intrigue est déjà en place ce qui permet de ne pas trop tourner autour du pot et les éléments scénaristiques se comprennent au fur et à mesure. Evidemment le scénario continue de se construire mais on nous épargne la narration d’une majeure partie d’éléments pas forcément utiles mais surtout facilement déductibles sans y consacrer du temps. Je trouve ce genre d’initiative très rafraichissantes, surtout dans le cinéma français, et plus particulièrement les comédies, qui utilisent indéfiniment le même schéma (et souvent les mêmes clichés). Le spectateur se retrouve à devoir saisir toutes les petites informations plus ou moins discrètes que peuvent laisser les personnages afin de pouvoir reconstituer et mieux comprendre l’étendue et la complexité de leurs relations. Bien entendu, tout cela n’a qu’un impact relativement faible sur l’intrigue, mais les spectateurs les plus alertes et minutieux, ou même les plus curieux, pourront s’amuser à analyser un peu plus en profondeur le film et trouver quelques messages cachés et pointes d’humour subtiles. Par ailleurs les dialogues sont assez percutants.Le charisme et le potentiel de Luchini ne sont pas innocents dans cette histoire, mais Lambert Wilson a son mot à dire, même s’il est difficile de maintenir de l’importance aux côtés de Luchini (oui, je l’admire vraiment). Et d’ailleurs en ce sens le film le montre assez fréquemment, si bien que l’on pourrait se demander si le film ne cherche pas simplement à montrer le talent de ce dernier. Des travellings et plans séquences relativement longs, Fabrice Luchini qui répète sans regarder son texte sont autant de preuves de compétence de sa part que le film met très en avant.
Cependant tout n’est pas là, si la première moitié du film fonctionne si bien c’est également car il y a un parfait équilibre général, dans la répartition des rôles, dans le dosage de l’humour et ses limites, mais aussi dans son approche (notamment le sujet qui tourne autour de la jeune fille). Il y a un vrai ressenti d’alchimie qui prend forme où l’enchaînement des scènes s’avère naturel et intéressant.
Malheureusement vient la scène fatidique, celle qui a explosé le vase à défaut de pouvoir le faire déborder. À compter de cet instant, les caractères des personnages changent du tout au tout. L’effet déroute le spectateur rapidement mais si la réalisation avait suivi la continuité cela n’aurait pas posé de problème, sauf que ça ne se passe pas ainsi. Sitôt la scène passée, s’ensuit une décevante qui ce serait vue à des kilomètres si la première partie n’était pas aussi excellente. Et puis après cela on surf sur les clichés tous plus niais et improbables les uns que les autres. Les rôles s’inversent et se superposent à la fois, l’enchaînement n’a plus de cohérence avec le début ni avec lui-même. Pour faire simple on n’assiste plus du tout au même film. Une séquence vers la fin présageait une déstabilisation de l’histoire et un rebondissement intense pour la toute fin, mais non, rien. Et on peut dire que le film se termine en queue de poisson avec une morale bancale comparé à la force que possédait le film.
J’ai personnellement trouvé le film particulièrement long, et cela aussi bien pour la première que pour la seconde partie. Ce qui est étrange puisque la première partie m’a véritablement transcendé tandis que la seconde m’a ennuyé à mourir. Avec cela on apprend que ramener deux excellents acteurs ne suffit pas à faire un bon film. On apprend aussi qu’une idée originale n’aboutit à rien si la réalisation ne suit pas.