Alice est le premier long métrage de l'artiste tchèque Jan Švankmajer, reconnu pour son approche surréaliste du cinéma d'animation. Le film mêle animation en volume et prise de vues réelles dans une vision onirique du célèbre livre de Lewis Carroll. Le réalisateur tchèque donne vie au pays des merveilles d'une manière absolument ingénieuse. Loin de la version traditionnelle, cette adaptation présente une Alice qui interagit avec des créatures étranges et parfois effrayantes.
Les marionnettes utilisées pour représenter les personnages principaux sont étonnamment expressives, capturant l'étrangeté du pays des merveilles tout en donnant une profondeur psychologique aux figures animées. Plutôt que de suivre la voie habituelle de l'adaptation, le réalisateur offre une interprétation audacieuse et personnelle du matériau source, ajoutant une dimension nouvelle et inattendue à l'histoire bien connue. En effet, le film se démarque par une ambiance glauque poétique franchement cohérente avec l’œuvre de Carroll. L’univers est hypnotique, les décors sont captivants.
L’animation accuse un sérieux coup de vieux, peut-être même l’était-elle à la sortie initiale du film en Tchécoslovaquie en 1990 par rapport à ce qui se faisait dans le reste du monde, mais plutôt que de desservir le film, cet aspect usé enveloppe l’œuvre d’une aura de nostalgie déstabilisante. Par ailleurs, les mouvements des objets animés, qui paraissent aux premiers abords saccadés, semblent s’affranchir des contraintes techniques au fil des minutes, comme si la magie prenait véritablement, soulevant une impression de féérie unique.
L’absence de véritables dialogues et les bruitages saturés sont des aspects pénibles de la production. Le film abuse de certaines idées visuelles bien trouvées, mais redondantes. Par exemple, Alice est la narratrice de sa propre histoire et elle prend la parole à la place de tous les personnages qui bénéficient de lignes de textes, en ponctuant ces phrases par des incises, traduites à l’écran par de gros plans sur sa bouche. Si l’idée de départ est très efficace et pertinente, la réitération constante de cet effet de style devient rapidement énervante. Certaines séquences sont excessivement longues pour ce qu’elles ont à raconter, comme le passage qui met en scène le chapelier fou et le lièvre de mars. La narration peut sembler éparse et fragmentée, la compréhension de l'intrigue sera un défi pour certains spectateurs. La fin manque particulièrement d’impact.
Alice est une œuvre d'art singulière qui mérite l'attention des amateurs de cinéma d'animation audacieux. La réinterprétation créative de ce classique de la littérature et l'approche visuelle innovante en font une expérience cinématographique unique. Tous les défauts de la production sont largement gommés par son identité unique, qui classe l’œuvre parmi les productions les plus mémorables de son genre. Alice a remporté le titre de Meilleur film d'animation au Festival d'Annecy de 1989.
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