Opus décrié de cette quadrilogie, Alien 3 a été un bordel à faire, ça, tout le monde le sait. Fincher niera d’ailleurs le film et quittera le projet après le tournage. Ainsi, le montage cinéma se révèle trop expéditif et la créature en fond vert est tout simplement immonde. Le montage et mixage son témoignent d’ailleurs bien de cet échec : ce film n’est pas abouti. Par exemple dans l’une des scènes de poursuite la caméra subjective est à l’envers comme si le xénomorphe marchait au plafond, mais sur les plans larges il marche au sol. Après toutes ses réécritures, Alien 3 raconte bien quelque chose, c’est certains, mais le montage final peine à convaincre tant il survole son intrigue.
En 2003 sort une version plus longue nommée The Assembly Cut, et tout comme pour Aliens, j’ai redécouvert le film grâce à ce nouveau montage. Détail qui n’en est pas un : Fincher n’est pas derrière cette version.
Les défauts sur la forme sont toujours présents (l’alien en fond vert, le mixage son) mais c’est bien mieux. Il faut dire que 30 minutes de plus ce n’est pas rien : l’environnement carcéral est pleinement développé, le rythme mieux géré, et disons-le clairement, ce n’est pas le même film que la version cinéma. L’alien sort d’une vache morte, un alien ne sort pas hideusement du corps de Ripley alors qu’elle tombe dans la lave, la galerie de personnages, anecdotiques dans la version cinéma, est bien plus mise en avant et de très nombreux passages déterminants absents du premier montage sont ici présents. Bref « Y a pas photo », Alien 3 The Assembly Cut est très probablement ce qu’il y a de plus proche de ce qu’aurait pu être le film si sa production n’avait pas été une catastrophe.
Mais si ce montage Eclipse totalement la version cinéma, est-ce qu’Alien 3 The Assembly Cut est pour autant un bon film ?
Alien 1 est un film d’horreur atmosphérique dans un contexte de science-fiction. Aliens, reprenant le même contexte sous un angle moins crédible, est un film de guerre avec soupçon d’horreur. Alien 3 se détache assez fortement de l’angle de la science fiction en s’approchant énormément du fantastique horrifique. C’est un thriller dans sa première partie psychologique et dans sa seconde disons… plus mouvementé.
Crasseux et gore, Fincher s’applique à l’esthétique qu’on retrouvera des années plus tard dans Se7en. On se retrouve ici devant un film débordant de symboliques bibliques, certes très peu subtiles, mais aussi très intéressantes. L’idée du viol est reprise d’une manière bien plus perverse. Car ici l’Alien n’est plus le seul à représenter cela, les détenues étant pour la plupart des violeurs. Paranoïa et tension s’installent donc dans cet enfer où une femme est entrée. Fincher insistera d’ailleurs beaucoup dans la première partie du film sur les regards et réactions en tout genre.
Le réalisateur pose super bien ses cadres et on peut dire que c’est un miracle vu le tournage. La caméra en traveling se balade souvent dans le vaisseau avant d’introduire les personnages présents dans une scène, créant une lenteur, et y a un très bon dosage entre scènes au montage enragé et celles au montage bien plus posé, bref le film est doté d’une atmosphère pesante brisée avec brio lors des séquences d’action. Le caractère pesant s’illustre notamment dans une scène : celle de l’autopsie de Newt. On ne voit le cadavre autopsié qu’à la fin et encore c’est un plan très serré sur ses organes, la scène reposant sur les réactions de Ripley et Clemens ainsi que sur les gestes chirurgicaux/froids de ce dernier. La scène est tout simplement insoutenable.
Plusieurs séquences sont très efficaces grâce à leur montage parallèle (enterrement/naissance de l’alien, réunion dans la cantine/Ripley fuyant l’infirmerie pour les prévenir).
Clemens, interprété par le très charismatique Charles Dance, est un personnage intéressant qui dénote avec le reste des prisonniers. Autre pêcheur singulier : Dillon, souvent filmé en contre plongé et interprété par l’imposant Charles S. Dutton, est un personnage marquant, intéressant. Je ne vais pas faire ça pour tous les personnages mais globalement ils sont bien développés (même la foule de personnages secondaires est caractérisée).
La BO est inquiétante et renforce l’ambiance construite.) Certains thèmes (dont le très bon It’s Started p2) sont plus grandioses et réhaussent beaucoup de séquences du film qui, sans elle, tomberait bien plus facilement dans le ridicule. En effet le discours de Dillon ainsi que Ridley qui se prend pour Jésus dans la scène où elle demande à Dillon de la tuer puis à la fin, c’est un peu ridicule. Mais encore une fois le film s’assume (même s’il n’y a techniquement personne derrière le film ?) et ça fonctionne.
Comme dit précédemment l’Alien, symbole du viol est en quelque sorte « remplacé » par les prisonniers mais il trouve dans le contexte biblique une place. L’alien a ici une aura fantastique comme si c’était une créature démoniaque (comme le souligne d’ailleurs sa naissance en parallèle de l’enterrement, comme s’il s’agissait d’un sacrifice). Premier rappel : (The Assembly Cut) il sort d’une vache déjà morte, ce qui rompt totalement avec la logique biologique du parasite. Tout au long du film il va nourrir les rumeurs des personnages jusqu’à se faire appeler « dragon ». Et loin de la démarche sexuelle du xénomorphe du 1, celui-là est bien plus primitif. C’est une bête insidieuse, toujours cachée dans l’obscurité, qui choisit avec minutie ses apparitions. Le film prendra d’ailleurs rarement le parti de montrer dans sa globalité la créature, préférant la cacher par un montage astucieux et des cadres plus serrés.
Alien 3, The Assembly Cut, est grandiloquent, c’est l’histoire d’hommes piégés en enfer pour leurs pêchés et confrontés à une sainte ainsi qu’à une création maléfique. C’est un purgatoire qui est néanmoins doté d’un ton assez amer, sans pitié, qui ne peut se résumer à un simple « Tu as fait un mauvais choix donc tu vas crever pour te racheter. ».