Que les fans du 2 tempèrent leur colère en face de mon affront (assumé) de noter Alien 4 mieux qu’Aliens (l’insulte est grande, tant ce dernier opus se fait démonter sur des détails plus ou moins gros), mais m’est avis qu’on méprise bien trop injustement cet opus, encore exclu par certains de la trilogie. Déjà, en se basant sur la version longue, on constate que les ambitions du film de Jeunet sont bien loin d’égaler les ambitions (prétentions ?) de certains des opus précédents de la saga en s’assumant enfin comme une grosse série B thunée que les différents épisodes d’Alien ont toujours rechignés à être. Certes, motivée essentiellement par l’appât du gain en relançant cette saga lucrative (malgré l’échec commercial du 3), cette résurrection vient surtout pour prolonger le plaisir, nous offrir une dose de créature bigger than life bien plus satisfaisante que les précédents opus. Exemple même de la « beauferie » avec laquelle le film traite de son sujet : le générique d’ouverture de la version longue, qui s’ouvre sur la gueule dentée d’une reine… avant d’effectuer un dézoom pour s’apercevoir qu’il s’agit d’un insecte qu’un technicien écrase avant de se servir de ses entrailles comme projectile avec une paille, plan qui aboutit sur un travelling dantesque révélant la grandeur du vaisseau. Criminel de dépenser du fric pour faire un pareil « fake » ? Je dirais plutôt qu’ici, on sait au moins dans quoi on met les pieds. Je glisse en coup de vent sur le processus de clonage, formule ici complètement hors de propos (quoique, un doute persiste) qui sert vaguement de prétexte à la résurrection de Ripley et de l’Alien qu’elle porte en elle. Ici, les ambitions du film sont simple : transcender le cahier des charges en nous offrant la plus forte dose de créatures de la saga. Jamais les aliens n’ont été aussi beaux, aussi travaillés, aussi fluides dans leurs déplacement. La caméra s’attarde, les filme en pleine attaque, détaille leur anatomie. Un vrai régal pour les amoureux des créatures (vous étiez venus pour voir des aliens ou pas ?), d’autant plus que les décors sont particulièrement soignés. Sans forcément taper dans l’audace graphique, les éclairages magnifiques et le raffinement de certaines séquences (l’attaque en milieu aquatique, la loge royale…) viennent sublimer le spectacle, qui a rarement été aussi beau. Côté respect de la trilogie, le film traite constamment son sujet avec le ton décérébré et fun qu’il s’est promis de nous donner. On est dans un survival spatial, où l’on fait à peu près comme dans Alien le huitième passager, sauf qu’ici le vaisseau est beaucoup plus long à parcourir. Proposant un scénar sans une once d’intelligence et finalement efficace en termes d’action (aucun temps mort, mouvement quasi ininterrompu, fluidité et limpidité du récit, un parfait exemple du divertissement assumé), le film revendique jusqu’au son étiquette de divertissement de luxe, se fendant même de dialogues « humoristiques » qui fluidifient étonnamment bien les échanges et font mieux accepter les caractères badasses de nos compagnons de route. Plutôt que de prendre la saga de haut, Jeunet la prend par la ceinture, ce qui a le don d’agacer les fans de la mythologie de la saga (ce que je comprends, vu que j’ai fait moi-même partie de ce camp pendant plusieurs années), mais qui a le mérite de pouvoir s’autoriser beaucoup de chose dans un bestiaire horrorifique qu’on commençait un peu à connaître par cœur. En modifiant la génétique de la reine, on nous offre le New Born, une créature complètement marginale (rejetée en bloc par à peu près tous les spectateurs), qui tente d’apparaître plus complexe (le registre sentimental qui lui est prêté) que son rôle ne l’impliquait (elle sert finalement à refaire la fin du 1 (il n’y aura vraiment qu’Alien 3 qui proposera une issue différente) en mode gore, avec une fin tape-à-l’œil mais incontestablement jouissive). En termes d’effets spéciaux, ce dernier opus est un vrai catalogue de jouissance, cherchant à flatter les souvenirs du publics par de belles images et quelques choix intéressants (Ripley, ici en mode instinct animal, qui s’offre un caractère fort pour le moins inattendu et vraiment innovant), sans toutefois prétendre apporter un quelconque renouveau à la saga. Une chose qu’on continuera probablement à lui reprocher pendant encore longtemps jusqu’à ce qu’on le prenne enfin pour le produit de divertissement qu’il est.

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le 15 juil. 2014

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Voracinéphile

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