Le meilleur, et de loin, de la saga. Ridley Scott fait d’une trame classique de film de monstre dans l’espace un hybride entre la SF classique et le slasher movie angoissant plus destiné aux adultes. Il va défier la vague de LA GUERRE DES ÉTOILES. Le scénario de Dan O’Bannon pioche dans un film S.F des années 50 (IT, THE TERROR FROM BEYHOND SPACE) et dans un murder party du genre 10 PETITS NÈGRES.
Filmé souvent de manière quasi-documentaire, on vit au plus près de cet équipage de vaisseau cargo transporteur de minerai obligé de se détourner contre son gré (l’équipage ne connaît pas tous les tenants et aboutissants de l’histoire, manipulés qu’ils sont par la compagnie WEYLAND).
Bourré de scènes cultes, souvent très mal copiées depuis, c’est un film qui prend son temps, avec de longs passages en longs travellings ou en camera portée. Seuls des éclairs de violence (à l’époque relativement trash) viennent troubler la quiétude.
Mais la seconde partie est plus basée sur une tension nerveuse due à l’ignorance du positionnement de la bête.
Les décors organiques du vaisseau mère où se trouvent les nids, ainsi que le design du monstre (le tout étant un mélange entre technologie et sexualité) sont signés Giger, et font contrastes avec le côté brut de décoffrage du Nostromo. L’aspect biomécanique du monstre va disparaître dans les épisodes suivants. Cette esthétique est le summum du mariage contre nature : métal/chair, beauté/horreur, et évidemment sexe/mort.
La symbolique sexuelle est ultra présente, et parfaitement assumée (souvent liée à la mort, les fameux Eros et Thanatos de la mythologie). La bouche de l’Alien lorsqu’elle s’ouvre laisse apparaître une deuxième partie semblable à un phallus en érection (aucun détail n’étant épargné, celui-ci suintant d’un liquide très représentatif). Le mode de reproduction se fait par une espèce de tube pénétrant dans la bouche des humains réceptacles. La naissance se fait par un accouchement explosant (au sens littéral du terme) la cage thoracique de l’humain « pondeur ». Le liquide qui sert de « sang » à l’androïde ressemble très fort à du sperme. Pour parachever le tout, c’est quasiment nue (Sigourney Weaver voulait jouer cette scène nue, les studios ont mis le holà, le film étant déjà interdit aux moins de 12ans, ne voulant pas risquer une interdiction plus large) que Ripley affronte la bête pour le combat final.
Jusqu’à la révélation de sa vraie nature, Ian Holm donne à Ash un jeu constamment en équilibre entre humanité et raideur. Quand sa condition de robot est dévoilée, tout est alors remis en perspective (il a laissé entrer le monstre, quitte à sacrifier tout l’équipage), et en découle le fait qu’il est le seul qui ne risque absolument rien (le xénomorphe ne peut pas se servir de lui comme hôte). La technologie est censée être au service de l’homme. Ash prouve brillamment qu’elle peut en être le fossoyeur.
Scott va provoquer la peur par le même truchement que Spielberg avec son requin, à savoir la non visibilité du danger, ici tapi dans les recoins des couloirs sombres du Nostromo, personnage à part entière. Il rend l’angoisse artistique grâce à des effets visuels splendides, aidé par le décor et la représentation graphique du monstre. La photographie est volontairement sombre et glauque, nous entraînant dans l’incompréhension, bouleversant les repères au travers des dédales et des coursives.
Très flippant, avec de multiples rebondissements, le film touche au sublime.
La suite sera décevante, forcément décevante, bien que réjouissante. Et chaque volet aura droit à un réalisateur différent (je parle des épisodes de base) au style graphique affirmé.