La saga Alien s'est imposée comme une véritable odyssée cinématographique, étalé sur pas moins de sept films, sans oublier les crossovers Alien vs. Predator. En 45 ans, elle n'a cessé de captiver tout autant qu'elle a suscité des débats passionnés. Si les deux premiers volets continuent de faire l'unanimité, chaque nouvelle itération divise systématiquement les spectateurs entre les admirateurs fervents et les critiques désillusionnés. Après le retour aux commandes de Ridley Scott avec Prometheus et Alien: Covenant, c'est au tour du réalisateur uruguayen Fede Alvarez de prendre les rênes de la franchise sous l'égide de Disney avec Alien: Romulus.
Historiquement, la franchise Alien s'est toujours distinguée par l'implication de cinéastes visionnaires, chacun apportant sa signature unique. Que l'on adhère ou non à leurs visions, les films de Ridley Scott, James Cameron, David Fincher et Jean-Pierre Jeunet portent indéniablement la marque de leurs créateurs. Hélas, sous la direction d'Alvarez, Romulus semble davantage revisiter les moments emblématiques de la série plutôt que d'innover audacieusement. En effet, Alvarez paraît plus exécuter une formule éprouvée que réinventer l'univers. Alien: Romulus enchaîne les références et clins d'œil aux précédents films de la franchise, parfois avec subtilité, d'autres fois de manière plus appuyée. Même le jeu vidéo Alien: Isolation n'échappe pas à ces citations. Cette approche donne au film l'apparence d'un travail de fan, certes respectueux, mais peut-être trop timide dans ses ambitions créatives.
Ayant apparemment pris la décision de ne pas imposer sa patte à travers une direction artistique originale (son film ressemble énormément au film matriciel de 1979), il préfère s'affirmer à travers son scénario. Il est ainsi frappant (gênant ?) de constater à quel point Alvarez a transposé le concept central de Don't Breathe dans l'univers d'Alien. Les deux films partagent en effet un postulat de départ très similaire : des jeunes adultes imprudents s'aventurent dans un lieu interdit, uniquement pour se retrouver piégés face à une menace mortelle qu'ils n'avaient pas anticipée.
Alvarez pousse le parallèle encore plus loin en incluant dans Romulus une scène qui fait directement écho à la tension centrale de Don't Breathe. Les protagonistes se retrouvent contraints de retenir leur souffle et de rester parfaitement silencieux pour éviter d'attirer l'attention de créatures aveugles. Astuce scénaristique ou paresse intellectuelle ?
Pour autant, serait-il juste de qualifier Alien: Romulus de mauvais film ? Assurément non. Contrairement à Prometheus et Alien: Covenant, qui s'aventuraient sur le terrain de la science-fiction spéculative au détriment de l'horreur pure, Romulus revient aux fondamentaux qui ont fait le succès de la franchise. Alvarez démontre une maîtrise impressionnante des mécanismes du suspense et de la peur. Plutôt que de s'égarer dans des considérations philosophiques (qui pouvaient tout de même séduire), Romulus offre une expérience viscérale, une véritable montagne russe émotionnelle qui maintient le spectateur en haleine du début à la fin. Là où les deux prequels de Ridley Scott s'apparentaient à des romans de science-fiction denses, parfois alambiqués mais indéniablement fascinants, Romulus s'impose comme une attraction terrifiante et immersive.
Alvarez nous présente le Xénomorphe dans toute sa férocité primale. Cette approche contraste nettement avec celle de Ridley Scott dans Covenant, où le cinéaste semblait s'être désintéressé de sa créature emblématique au profit de l'androïde David, rapprochant ainsi son film de l'univers de Blade Runner. Alvarez, lui, replace résolument le monstre au centre du récit, rappelant que le Xénomorphe est avant tout une incarnation implacable de la terreur pure.
Si Alien: Romulus ne révolutionne pas la saga, il marque un retour efficace et bienvenu à l'effroi primaire qui a fait la renommée de la franchise. Le film maintient une tension palpable de bout en bout, même si l'on pourrait regretter un certain manque d'audace narrative et stylistique. Cependant, il convient de souligner que la saga Alien, avec ses réinventions constantes et son courage d'expérimenter (voir la créature finale de Romulus) demeure plus riche et stimulante que bien d'autres franchises de science-fiction contemporaines, Star Wars en tête.