Alien: héritage
Alien est maintenant une longue saga de 7 films qui, jusque-là, avait tenté des directions bien tranchées ou propres à leurs auteurs. Même Prometheus & Alien: Covenant portaient la marque de leur auteur. Ridley Scott, marqué par le temps, cherche à la fois à faire revivre ses 20 ans, à mettre en mouvement de véritables toiles de maître, infuser de mythologie et de mysticisme une saga qu'il orient vers un nihilisme et un cynisme à glacer le sang - tout ceci dans des films aussi passionnants que déséquilibrés ou trop réécrits pour atteindre l'épure parfaite du premier film.
Romulus est produit par Scott et Disney, certes, mais aussi confié à un réalisateur - Fede Alvarez - validé par les amateurs du genre, friand d'une esthétique soignée, c'est avant tout la promesse d'un 5e auteur. A-t-il réussi à résoudre l'impossible équation du renouveau dans la continuité, avec l'énorme pression de cet héritage sur les épaules?
Alien: fusion
La réponse est partiellement non. Si son premier quart d'heure est plutôt inédit dans la saga (des post-ados dans une colonie minière en sale état) et cette idée de "casse" plutôt neuve, le reste du film se veut un best-of de la saga, mélangeant avec efficacité Alien 1, 2 et 4, intégrant quelques éléments de Prometheus - l'adoubant au passage comme "canon", tombant parfois dans une citation putassière jusqu'à reprendre des plans et répliques ultra-icôniques qui génère un mélange de serrage de dents et d'ennui...
Et enfin on retrouve beaucoup du jeu Alien: Isolation, ce qui n'est pas une remarque si anodine que ça tant ce 7e film est structuré comme un jeu vidéo, à une succession d'épreuves à traverser pour notre duo de héros, dans des décors très réussis mais finalement assez limités (3 couloirs différents, un labo, une chambre froide, un monte-charge et le vaisseau). Il faudra successivement survivre à une pièce inondée infestée de face-huggers (les stars du film), traverser un couloir sans faire de bruit, passer au travers d'une pièce en gravité zéro en évitant l'acide alien en suspension... ce sont probablement les séquences les plus réussies, ludiques et bien mises en tension, utilisant les créatures de façon mécanique mais ingénieuse.
Alien: beginner's guide
Mécanique, c'est un peu le problème du film. Tout d'abord l'intrigue, un peu mince, raccroche les wagons des autres films de manière assez peu organique. Ensuite, les éléments qui mènent les personnages d'un point à un autre du récit sont souvent assez minces - ils se mettent bien dans la merde tout seul. Et puis l'enjeu ne semble jamais dépasser leur propre existence, quand tous les autres films mettaient en balance l'humanité, voire plus encore en ce qui concerne Covenant. Pire, tous les éléments sont des fusils de Tchekov - utiles à la narration et la dramaturgie à un moment ou un autre, aucun dialogue n'est anodin, et tout est sybilin, de sorte que la surprise n'existe pas - nous sommes encore dans un film où les protagonistes expriment leurs actions à voix haute - et où une réincarnation numérique (assez laide) de Ian Holm passe son temps à désamorcer ce qui va venir. Après avoir introduit une femme enceinte mourrante et un produit régénérant mais aux pouvoirs mutants incontrôlables, on se demande bien ce qui va pouvoir se passer, non? La musique est pour la première fois dans la saga assez médiocre, oubliant d'être athmosphérique pour appuyer balourdement sur ce qui se passe ou va se passer avec de grosses basses, sans subtilité aucune (réécouter le splendide score de Jed Kurzel sur Covenant). On passe d'un McGuffin à un autre, d'un enjeu à l'autre assez mécaniquement (et souvent avec des incohérences ou grosses facilités scénaristiques), comme dans un jeu vidéo avec comme seul accroche émotionnelle et organique les personnages.
Paradise Lost
Parce que ce point est assez réussi dans le film. En réalité 80% du casting est oublié dans l'heure de sortie de la salle, mais pas le duo principal d'Andy (le cyborg qui change de programme plusieurs fois dans le film) et sa soeur adoptive Rain. Une relation inédite, touchante et réussie, qui anime le film et devient rapidement le seul véritable enjeu du film. Cette part d'humanité est à mettre en opposition au cynisme de la série (incarné par Weyland Yutani, mais aussi Ridley Scott mine de rien) face à la vacuité de l'espèce humaine à opposer justement à cet espoir qui réside dans le lien émotionnel.
Alien: Mickey Edition?
Récapitulons: Alien Romulus est un film qui fait la fusion de 3 de ses plus illustres aînés, au scénario sans conséquence et sans aucune prise de risque, plutôt ludique et bien réalisé mais également hyper balisé et anticipable, c'est un film compétent (surtout sur grand écran - le suspense, le gore fonctionnent majoritairement bien) et élégant bien aidé par son casting et sa réalisation - à la musique ratée sans que cela ne l'handicape trop.
Mais c'est surtout un film tellement inconséquent et inconsistant qu'il n'est qu'un épisode lambda ne prenant même pas la peine de prendre le risque de diviser. Et de fait, ils n'étaient pas si mal finalement, ces bancals et mal aimés Prometheus et Covenant, non?