Véritable arlésienne cinématographique qui intéressait déjà il y a une vingtaine d'années le producteur Jean-Pierre Dionnet qui dut cependant se rendre face à la proposition financière de James Cameron, lequel acquit alors les ayants droits, l'adaptation du manga Gunnm de Yukito Kishiro débarque tardivement sur grand écran en 2019. Cameron souhaitait perfectionner les techniques cinématographiques avant de s'atteler à cet exercice et le champ ouvert par Avatar lui a offert la perspective d'un résultat satisfaisant. Obnubilé par la mise en œuvre de ses suites, il délègue la réalisation à Robert Rodriguez et s'assure tout de même de l'écriture de cette adaptation en compagnie de Laeta Kalogridis.
La transposition d'un manga ou d'un animé japonais vers la moulinette hollywoodienne n'est jamais aisée tant les américains se montrent parfois incapables de comprendre ce qu'ils adaptent. On se souvient ainsi d'une multitude de projets prometteurs sur le papier qui se sont finalement vautrés. Je pense par exemple au récent et insipide Ghost in the Shell de Rupert Sanders.
Dans le cas de ce Alita: Battle Angel je trouve que le film fonctionne. Je n'ai jamais lu le manga original donc ce n'est pas moi qui me prononcerai sur la fidélité envers le matériau de base si tant est que cela soit une composante importante.
J'aime bien cette idée de s'accaparer du cyberpunk qui est un genre résolument adulte, mature et violent pour l'insérer dans un divertissement juvénile dans le bon sens du terme et ainsi rendre hommage à un certain cinéma de science-fiction américain des années 1980/1990 bien divertissant. Le film s'ouvre ainsi sur l'éveil d'Alita jouée par une Rosa Salazar étonnante remodelée en post-production. Ce qui frappe d'entrée c'est ce choix de design curieux et déconcertant émanant visiblement de la volonté de Rodriguez de la matérialiser avec de gros yeux, rendant hommage bien sûr à ses origines issues du papier. L'idée était aussi d'accentuer la fenêtre émotionnelle lors de certaines séquences et de jouer avec le regard, un résultat que je trouve plutôt réussi. C'est un personnage candide et sensible qui cache une brutalité cinétique, experte de Panzer Kunst un art martial d'origine martienne. C'est à travers ses yeux que nous découvrons la ville de Iron City, une sorte de barrio géant coincé entre la Havane et Tijuana bien loin d'une décharge à ciel ouverte qu'elle est censée représenter. Une vision certainement aseptisée et édulcorée qui vient atténuer la portée de certaines thématiques, notamment la dichotomie entre ville du haut et ville du bas et le rêve d'un protagoniste, mais en accord avec le ton du film et le prisme véhiculé par Alita d'autant que le travail sur les décors est impressionnant, mention spéciale à Zalem. De plus cela permet au scénario de glisser petit à petit vers la noirceur attendue, quelque part entre les univers de Cameron et de Rodriguez et d'atteindre une violence graphique alors bienvenue, flirtant parfois même avec la série B ( le sort de Jennifer Connelly que n'aurait pas renié Roger Corman ).
Un scénario qui est dans l'ensemble assez convenu et très conventionnel. Il y a cette romance gentille et adolescente entre deux êtres que tout oppose, un classique chez Cameron. On parle aussi de dialectique entre humanité et machine, un thème usuel du genre qui a le mérite d'être traité avec sincérité. Ça manque globalement d'enjeux, ce n'est pas très subtil et parfois un peu mou du genou mais ce développement scénaristique permet aussi de dynamiter par la suite l’œuvre et d'enchaîner les séquences d'action dans une seconde partie de métrage avec une énergie vorace. Je pense surtout à celle du motorball qui se poursuit dans les rues ainsi que sur les toits de la ville avec une fluidité et une lisibilité à toute épreuve. On atteint finalement un climax émotionnel aussi épuré que touchant aux abords de la fameuse cité de Zalem avant que la séquence finale ne vienne amorcer une potentielle suite.
Robert Rodriguez affirmait en interview "qu'il voulait faire du Cameron". C'est peut être pour cela au final que le film est aussi sympathique. Espérons que cette hypothétique séquelle si elle se confirme un jour soit réalisée par Iron Jim en personne. On serait alors en droit de s'attendre à une vraie fresque mécanique à l'envergure et aux enjeux conséquents.