Shunji Iwai veut faire du Godard. Mais n’est pas Godard qui veut ! Ce film en est la preuve : un ratage en règle dont à peine à croire qu’il soit l’œuvre du même cinéaste à l’origine de Swallowtail Butterfly, sorti cinq ans auparavant (1996) et véritable leçon de sensibilité… Le début était pourtant extrêmement prometteur (quoique déjà longuet), mais le fil conducteur qu’est Lily Chou-Chou s’estompe bien vite au profit de… de quoi au juste ?
Difficile à dire. Iwai expérimente, comme à son habitude, mais avec bien moins de finesse que dans Suwaroteiru… Ici tout paraît forcé, poussé à un niveau de balourdise cinématographique assez dérangeant. Les personnages s’accumulent, l’intrigue se complique, les temporalités se brouillent et tout finit par se confondre dans l’esprit d’un spectateur moins souffrant qu’intrigué de savoir où tout cela va le mener.
Un beau Pollock, pour sûr ! Mais au-delà des filtres moches apposés sur la caméra, du cadrage au tangage digne d’une transat un jour de grain, de situations volontiers obscènes (curieuse obsession japonaise pour tout ce qui touche au sexe pervers…), que reste-t-il au final à se mettre sur la dent ?
Force est de constater : pas grand-chose… La musique, élément central du scénario, demeure tristement cantonnée à une position annexe (tandis que c’était le centre névralgique de Suwaroteiru, son cœur battant !), au point qu’on en viendrait à questionner le choix de titre du film. Ce n’est pas tout de mettre l’Arabesque de Debussy à toutes les sauces, y compris durant une scène de viol (quel mauvais goût…), encore aurait-il fallu susciter au départ un semblant d’émotion, un quelconque attachement pour les personnages, lesquels parlent d’ailleurs beaucoup pour ne rien dire et voient leur psychologie honteusement bâclée… Un défaut qui plombe la dernière heure, pourtant la plus riche en éléments dramatiques.
J’ai honte d’avoir lâché un rire nerveux en voyant le corps étalé de la fille suicidée : tellement cliché, tellement prévisible au vu de l’ersatz de harcèlement scolaire qui nous a été proposé juste avant, et en même temps tellement bizarre, presque injustifié tant toute la construction dramatique a manqué de consistance, de crédibilité pour en arriver là. Cette scène de suicide est la plus pitoyable que j’ai vu depuis longtemps dans un film, presqu’insultante au regard de la gravité du geste.
All About Lily Chou-Chou est en fait un film décharné. Le pire est que c'est sans doute par choix, parce qu'Iwai a souhaité à tout prix accentuer le côté expérimental de son métrage, aux dépens de la consistance de ses personnages et de son regard humaniste, qui faisaient la grande force de Swallowtail Butterfly : une vraie déception ! À oublier.