J'étais enthousiaste avant d'aller voir All we imagine as light, Grand Prix à Cannes et sujet de critiques dithyrambiques. En fin de compte, le film est une bonne illustration de la subtile différence entre le génie contemplatif et la tare de l'ennui, avec deux parties bien distinctes.
La première partie se passe à Mumbai, et presque exclusivement de nuit et sous la pluie. On suit avec affection ces trois vies ballotées par une ville tentaculaire, une tradition pesante et des injustices sociales dévastatrices : une femme qui n'arrive pas à faire le deuil de son époux après un mariage arrangé et un départ de celui-ci en Allemagne, une jeune femme hindoue aux prises de l'amour avec un jeune homme musulman, et une femme plus âgée qui lutte pour rester dans son appartement qu'elle occupe depuis 20 ans. Surtout, c'est une claque esthétique. Alors que le film se passe donc presque tout le temps la nuit, que la plupart des couleurs sont sombres, que ces femmes vont de déconvenues en déconvenues, on a l'impression d'une ville et de vies plus lumineuses que jamais. On est vraiment à mi-chemin entre Yasujiro Ozu, avec la mise en scène de moments de vie simples, la mise en avant de femmes qui luttent et la marche d'un monde qui change inexorablement, et Wong Kar-wai, dans ce dédale urbain bouillonnant et quasi-infini, aussi triste que sensuel. Cette première partie se clôt sur une très belle scène de fête, avec des voix-off faisant écho à la scène d'introduction, et je m'étais fait la réflexion que si le film s'arrêtait ici, alors c'était déjà un grand film.
Malheureusement, il y a une deuxième partie. La femme âgée décide de retourner à la campagne près de l'océan, et se fait aider par les deux autres. L'atmosphère change du tout au tout : toutes les scènes sont presque de jour, le paysage est radicalement différent, les couleurs ne sont plus sombres mais bien plus ternes. Et là, c'est littéralement la sieste. Plus rien ne se passe, les scènes sans aucun intérêt s'étirent en longueur sans que ce soit justifié (la scène de la grotte de 15 minutes sans presque aucun dialogue, mon dieu), les dialogues auparavant touchant et subtils deviennent écrits par une adolescente prépubère ("tu penses parfois à l'avenir ?"). Le scénario devient en plus bâclé : elles se bourrent la gueule, la jeune retrouve son amoureux, ils couchent dans la grotte, pendant que la femme sauve un homme noyé (magnifique deus ex machina) avec qui elle a une discussion comme si c'était son mari exilé en Allemagne. En bref, elles s'acceptent et retrouvent de l'espoir, c'est beau (non). La continuité des deux parties est seulement assurée par ces trois personnages, car tout le reste est différent, et on ne dirait vraiment pas que c'est la même réalisatrice qui a produit l'ensemble.
Dans l'ensemble, un film moyen car plombé par cette maudite seconde partie, alors que la première était plus que promettante…