Le Grand Prix du Festival de Cannes laisse une impression mitigée : d’un côté il révèle une réalisatrice prometteuse et au talent indéniable mais de l’autre il finit par ennuyer, la faute à des enjeux narratifs un peu… lights.
Prabha (Kani Kusruti) et Anu (Divya Prabha), sont toutes deux infirmières et colocataires à Mumbaï, la capitale économique de l’Inde. Elles incarnent deux générations de femme dans un environnement rugueux et profondément ancré dans les traditions. Prabha est sans nouvelle de son mari parti travailler en Allemagne depuis des années et ne s’autorise aucune relation sentimentale. Anu quant à elle transgresse les normes en fréquentant un homme d’une religion différente, hors des liens du mariage. Les deux femmes vont être amenée à entreprendre un voyage vers un lieu plus propice à leur épanouissement.
Dès l’ouverture du film, le mouvement est omniprésent, que ce soit dans son introduction en travelling le long d’une rue de Mumbai ou dans les nombreux plans filmés clandestinement dans les trains. Ce mouvement perpétuel contraste avec la crainte des personnages de devoir un jour tout quitter, ainsi que leur anxiété par rapport à l’avenir. Payal Kapadia entame son film tel un portrait presque documentaire de ses deux protagonistes enfermées dans leur quotidien. Puis dans un second temps, elle les libère en adoptant un ton qui flirte avec le réalisme magique. C’est un programme a priori alléchant, d’autant plus que la réalisatrice parvient à capter l’essence de ses personnages avec beaucoup de sensibilité.
Toutefois, en dépit la richesse thématique et des qualités de réalisation indéniables, il est difficile d’entrer complètement dans le film. La faute à des enjeux dramatiques diffus et éthérés, qui peinent à compenser une thématique assez limpide. Il en résulte une certaine superficialité dans le récit de ces deux femmes, doublée d’une esthétique calibrée pour séduire en festival, avec son usage d’éclairages en bokeh et bande-son électro branchée. Et ça a marché, puisque le film a reçu le Grand Prix au dernier festival de Cannes ! Le verdict populaire quant à lui est un peu plus mitigé, peut-être parce qu’on a trop vite compris le programme que le film déroule, aussi louable et engagé soit-il.