Un film vraiment pas raisonnable
Le truc qui m'énerve dans ce film, de ce que j'ai compris, c'est ce message anti-déterministe, anti-raison, qui place l'humain sur un piédestal de mystères métaphysiques, de magie. La poésie et les émotions n'appartiendraient qu'à l'homme et ne seraient par essence pas accessible à la raison de la machine, même la plus sophistiquée. Du coup, la triste ville régie par la vilaine machine rend les humains indifférenciés, apathiques, sans individualité, uniquement rationnels. Ils ne peuvent plus pleurer, ils ne peuvent plus rire, et si ils le font, ON LES BUTE ! (ouuuuuh)
C'est vrai que si on prend notre machine la plus sophistiquée aujourd'hui, elle n'est pas capable de devenir humaine, de voir le beau ou le laid, de différentier le bien et le mal. Du coup, quand un système entier est régi par de rudimentaires machines comme celle-là, il se transforme effectivement en régime totalitaire qui efface les individualités. Là je suis d'accord. Sans aucun verbiage, sans jargon, sans citations intempestives de philosophes, un film comme Koyaanisqatsi est beaucoup plus subtil pour dire tout ça quand il traite de la relation homme-machine.
Mais si nos ordinateurs ne nous comprennent pas, ce n'est pas parce qu'il est impossible de comprendre l'homme... C'est juste parce qu'ils ne savent pas encore le faire ! Bordel à cul de Dieu de merde !
A l'époque, le propos de Godard était certainement original, et je ne peux pas non plus prouver qu'il a tort. Mais aujourd'hui, c'est devenu une croyance lassante, parce qu'universellement partagée autour de moi... Ce qui ne se justifie pas tant que ça. En quoi l'émotion ou la poésie seraient insaisissables par la raison ? C'est vrai ça... Ce n'est pas parce qu'on n'est pas encore capables de les comprendre rationnellement que c'est impossible...
La raison et la science sont trop dévalorisées aujourd'hui. Et moi ça me soule.
Bon, heureusement pour moi, un film n'est pas qu'un message (sur lequel, en plus, j'ai dû faire des contresens). C'est aussi de la poésie, de l'image, des émotions. L'univers étrange d'Alphaville, futuriste sans vraiment l'être, est de ceux qui marquent durablement. La voix électrique de l'ordinateur-dictateur, les personnages déshumanisés au comportement aberrant, le jeu d'acteurs qui ne cherche pas à être réaliste, donnent l'impression d'être dans un rêve ou d'halluciner.
Mais si j'ai aimé ce petit voyage à Alphaville, c'est surtout parce que j'ai entendu parler du film dans un morceau fascinant de Laibach : Le privilège des morts, qui le sample allègrement. Fan de l'univers industriel totalitaire et inhumain de ces Slovène, j'ai retrouvé dans ce film un peu de l'identité de mon groupe préféré.