Dans un premier temps, ce qui m’a frappé dans ce chef d’œuvre de Milos Forman, c’est son intemporalité. Si je ne l’avais pas lu, je n’aurais jamais cru qu’il s’agissait d’une production de 1984. À vrais dire, à l’écran cela ressemble d’avantage à un film des années 2000. Véritablement, l’histoire, en dépit de son cadre temporel, est d’une modernité incroyable.
On ne va pas tortiller, et vous l’avez compris à ma note, j’ai adoré. Et pourtant… autant dire que je n’attendais rien de ce film sur Mozart (ou sur Salieri, comme vous préférez), tant je suis un gros nul sur le sujet. Mais je ne suis pas un inculte pour autant, j’adore la musique classique, mais je ne jure que par Tchaïkovski, et je dois bien admettre qu’excepté les airs les plus connus, je ne connais rien de Mozart. Quant à son histoire, je ne partais de rien, ou plutôt de Mozart l’opéra Rock, c’est vous dire... (j’espère que je vous ai fait rire).
Je ne vais pas m’aventurer dans une analyse poussée : l’histoire s’intéresse avant tout au compositeur italien Salieri, rival de Mozart, qui à l’aube de sa vie, se confie sur son existence, qu’il considère maudite par l’omniprésence du génie Mozart, à ses yeux bénis de Dieu. Partagé entre une jalousie dévorante et une paradoxale admiration, l’homme ne cessera de l’exécrer et de tisser de sombre dessein dans son dos. Il s’agit surtout d’une occasion pour le public de découvrir la vie incroyable de l’excentrique Mozart, dans un parcours ponctué de succès et de déconvenues.
Le célèbre compositeur nous apparait d’abord antipathique. Avec son lot de bizarrerie, on éprouve des difficultés à l’apprécier, puis peu à peu, on apprend à le connaitre, et on découvre qu’il est empreint d’une grande naïveté, comme un enfant qui se débat au milieu des responsabilités du monde des adultes. On se surprend alors à apprécier ce drôle d’individu, ses frasques, sa marginalité, et même ses défauts. Et le personnage de Salieri, dont on comprenait si bien son animosité, commence à nous interroger, on n’a plus envie de l’écouter, et puis tout bascule, et on découvre une autre facette de lui, bref… les deux personnages nous font vivre tout un panel d’émotion, au rythme de leur relation ambiguë, qui ne cesse d’évoluer et de nous étonner.
J’ai adoré les deux acteurs principaux. F. Murray Abraham est étonnant, malgré un maquillage (lorsqu’il est brimé en vieux monsieur) approximatif, qui nous sort parfois de notre immersion, il faut bien le dire. Son jeu est étonnant. Je le préfère dans sa version jeune, là où ses attitudes ne le trahissent pas, et où il peut montrer toute l’étendue de son talent d’acteur, dans la peau de cet homme froid, ayant perdu la foi. Tom Hulce, que je ne connaissais pas, est mon véritable coup de cœur sur ce film. Il dégage quelque chose d’ordinaire et, pourtant, d’incroyablement unique. Je ne sais pas décrire cette impression, mais il m’a touché avec son regard perdu dans le vague, son air dissipé. Il joue un niais, un imbécile, qui renferme un démon génial au fond de lui, un savant qui prend vie lorsqu’il compose et qui, lorsqu’il disparait, cède sa place à ce pauvre pantin dépassé, ahuri, enfantin. J’ai été happé par ce personnage. Comment ne pas parler d’Elizabeth Berridge dans le rôle de la femme de Mozart ? Son visage d’ange et sa candeur en font un personnage absolument irrésistible. Elle m’a beaucoup touché, elle aussi.
La musique, bien sûr, est un havre sublime de poésie, de fantaisie, qui nous permet de ne jamais nous lasser. L’histoire est bien ficelée, d’une sobriété et d’une profondeur en opposition constante. Les personnages amènent un peu de folie, les rebondissements sont étonnants, les relations entre les protagonistes paraissent d’une intuitive intelligence qui ne doivent pourtant rien au hasard. Les décors, le cadre spatial, est sublime. Vraiment, il s’agit d’un biopic (romancé) fascinant.
C’est un coup de cœur en ce qui me concerne. Je vous le recommande vivement.