L'un des derniers faits d'armes du réalisateur de Z est souvent connu pour son affiche plus que pour son fond, quand bien même il a attiré plus d'1,3 million d'entrées. Conçue par Oliviero Toscani (bien connu des services de Benetton *), l'affiche fait rapidement polémique en associant croix chrétienne et croix gammée, qui plus est en mettant en avant un officier SS (Ulrich Tukur) et un homme d'Eglise (Mathieu Kassovitz). Une action en justice pour interdire l'affiche est alors faites par l'AGRIF, sans compter certains annonceurs refusant de l'afficher ou des membres d'Eglise déplorant son existence.
Le procès amènera l'accusation à être déboutée, tout en alimentant de nouvelles polémiques (Costa Gavras parle de "lepénistes" disant diverses injures lors des audiences **). Après cela, la situation semble s'apaiser dans un premier temps avec le succès du film, puis aux César de l'année suivante avec le trophée du meilleur scénario. Enfin, le réalisateur dira avoir reçu des avis positifs d'hommes d'Eglise dans les mois qui ont suivi la sortie du film.
Amen se base sur Le Vicaire, pièce de théâtre qui avait déjà fait polémique dans les 60's, même s'il prend quelques libertés avec. Ce qui n'a pas dérangé le dramaturge Rolf Hochhuth, estimant que le réalisateur avait bien fait de dégager plusieurs passages de la pièce. Amen se révèle bien plus dérangeant par son fond que par son affiche, tapant là où cela fait mal.
Si Kurt Gerstein était bien un SS, il était également un lanceur d'alerte et le récit nous montre un combat foutu d'avance. Personne ne le croit, que ce soit les politiques alliés, son père (Friedrich von Thun que les français connaissent notamment pour la série Les enquêtes du professeur Capellari), l'Eglise ou des amis. Ils montrent des preuves, mais n'a aucun appui. Pourtant, des gens sont bien passés dans des chambres à gaz...
Costa Gavras montre alors un monde allié qui se voile la face, voyant avant tout ses propres intérêts et se focalisant sur la menace communiste de Joseph Staline plutôt que sur celle de l'Allemagne d'Adolf Hitler. Le silence assourdissant de l'Eglise se dévoile davantage à travers un personnage fictif incarné par Kassovitz. Un jésuite croyant Gerstein, mais ne parvenant jamais à convaincre qui que ce soit à cause de différents jeux de pouvoir. Comme pour Gerstein avec sa parente euthanasiée pour cause de maladie mentale, l'Eglise ne se réveillera qu'une fois atteinte, mais avec un temps de retard conséquent. Le mal a déjà été fait et son silence a eu de lourdes conséquences sur de nombreuses vies.
Amen est un pur film poil à gratter, preuve que le cinéma français sait taper du poing à travers une grosse production. En effet, outre le nom de Costa Gavras, Amen est un film d'environ 15 millions d'euros produit par Claude Berri, avec l'appui de TF1 (alors qu'il n'a probablement pas été beaucoup diffusé, voire jamais sur la chaîne), tourné en anglais en Bulgarie et avec un casting international solide. Un film d'une certaine envergure et qui n'a rien perdu de son mordant, ni de son impact 21 ans après. Il est même plus que nécessaire...
* Voir https://www.ladepeche.fr/article/2017/11/30/2695397-images-retour-campagnes-cultes-oliviero-toscani-benetton.html
** Voir https://www.telerama.fr/television/amen-sur-arte-quand-l-affiche-du-film-de-costa-gavras-mettait-le-feu-au-benitier-7018040.php