Contrairement à ce qui est couramment admis Costa-Gavras ne fait pas de films politiques. Il ne tourne que des films contre l'aveuglement. L'aveuglement évoqué ici est celui de l'Eglise catholique incarnée par le pape PieXII qui pas une seule fois n'a osé critiquer le nazisme et le sort fait aux juifs. Complicité ou silence ?
On ne pourra plus rétorquer que l'Eglise ne connaissait pas la réalité du génocide après avoir vu ce film dont le sujet décrit justement les efforts faits par l'officier SS Kurt Gerstein (Ulrich Tukur) , un personnage ayant réellement existé et le jésuite Ricardo Fontana (Matthieu Kassovitz) ,lui fictif, pour alerter le Saint-Père. Dans la réalité Gerstein a donc réellement essayé d'alerter les autorités religieuses, mais il s'est heurté à un mur de silence. Les raisons de ce silence sont nombreuses : l'indifférence à l'autre (le juif), les atermoiements et les difficultés à prendre ses responsabilités, le désir de ménager la susceptibilté des fidèles allemands et autrichiens, autrement dit la lâcheté, et surtout l'anti-communisme qui incite à tout lui préférer même le nazisme et ses camps d'extermination. Aucune trace de charité chrétienne dans tous ces motifs. Tout est soumis à l'intérêt d'état. Et même s'il est petit le Vatican est avant tout un état. Et il est probable que si un génocide se perpétrait actuellement dans les mêmes conditions, l'attitude du Vatican serait la même.
La grande qualité du film est qu'il échappe à la caricature, contrairement à ce qu'ont affirmé les autorités religieuses : on voit dans le film que le pape et ses ministres n'ont aucune sympathie pour les nazis. On voit ainsi le pape essayer de sauver en vain les juifs romains en échange de 50 millions versés au IIIème Reich. Le pape fait même un discours pour Noël 1942, cité dans le film, pour réfuter les théories racistes, mais ... ne cite jamais le mot de juif. Pourquoi ? Pour ne pas mettre en fureur Hitler, tiens...Or justement la protestation de l'Eglise contre le projet T4 consistant à éliminer les handicapés avait fait stopper net les nazis, nous rappelle Costa-Gavras. Un simple mot du pape aurait-il changé le cours des choses face au rouleau compresseur hitlérien ? Là est l'une des limites du film qui a cepenfant le mérite de lever le voile sur les anciens nazis exfiltrés en Amérique du sud grâce au Vatican. La dernière image du film est révélatrice : le commandant du camp nazi (inspiré par le docteur Mengele) obtiendra, grâce à ses relations au Saint-Siège, un visa pour l'Argentine.
L'autre limite du film est son thème lui-même. A l'époque de la sortie du film l'Eglise catholique était déjà moribonde et, les combats d'arrière-garde n'intéressant pas grand-monde, la préoccupation qui commençait à poindre était plutôt la montée inexorable de l'Islam en France. Un jour se fera sans doute un film similaire sur les nombreuses accommodations du pouvoir avec cette religion. Mais ceci est une toute autre histoire.