Comment réagiriez-vous si vous saviez que chaque jour 10 000 Juifs sont gazés et brûlés en Pologne et que vous êtes responsable de l'approvisionnement en Zyklon B, sans que le reste de la population allemande en sache quoi que ce soit ? C'est le principe de ce beau film, qui est à la fois une reconstitution qui sonne juste et une réflexion sur la responsabilité collective.
J'ai montré ce film à un petit groupe d'élèves qui n'avaient pas eu la chance de partir en voyage scolaire et bien qu'il n'y ait pas d'action, ils ont été sensibles aux questions morales soulevées. Ils ont compris l'évocation de l'horreur des chambres à gaz à partir de ces portes qui, vues de l'extérieur, vibrent pendant quelques minutes. Le film est parcouru par la tension du temps qui passe sans que rien ne soit fait, avec ces images récurrentes de trains, allusions criantes, ou encore ce plan vers la fin sur la fumée calme des fumées. Cela contraste avec la peur des catholiques allemands, qui se cherchent des échappatoires, avec la passivité du Vatican, qui croit à une manipulation, ou à l'absence de sens des priorités de l'ambassadeur américain, qui fait passer d'abord l'avancée des troupes alliées. On traverse de beaux décors de jardins du Vatican, . Il y a des allusions aux bombardements américains sur l'Allemagne, à travers l'attachante famille aryenne de Gerstein. La bande-son, avec ses violons lancinants parcouru de boucles de violoncelle, sans être exceptionnelle, fait le travail.
L'histoire commence en 1939 par un petit groupe de malades mentaux qu'on déplace, que l'on fait se déshabiller dans une salle. Travelling latéral vers l'extérieur, et on voit un moteur diésel remplissant la salle de fumée. Puis on passe à Gerstein, qui apprend la mort de sa nièce handicapée. On lui fait assister par un hublot à l'agonie de Juifs dans les chambres à gaz. Il prend contact avec le cardinal de Bavière, puis avec le père Riccardo, représentant du Vatican en Allemagne, un protégé du Pape qui veut utiliser le chef des chrétiens comme porte-voix.
Il croit que si les avions alliés bombardent l'Allemagne de tracts dénonçant la Shoah, les Allemands abandonneront Hitler. L'espoir d'un sermon du Pape à noël est déçu, le communiqué de Pie XII étant allusif. Lorsque les Juifs romains commencent à être déportés, sous les murs même du pape, Riccardo décide de partir dans un convoi vers Auschwitz. Gerstein l'apprend et tente de le libérer, mais il se trahit et fuit vers la France. Prisonnier des Français, il rédige un rapport qui sera une des bases des procès de Nuremberg. Soupçonné d'être à l'origine des chambres à gaz, il se suicide dans sa cellule. Le film se conclue sur l'horrible médecin eugéniste nazi qui rencontre un cardinal et obtient du Vatican de fuir en Argentine.
Amen est un film beau, un film juste, qui porte moins sur l'horreur que sur la responsabilité de ceux qui en sont conscients et qui procède par allusion. Je le recommande vivement.