Costa-Gavras fait le choix délibéré de ne pas se focaliser sur les camps de concentration, préférant plutôt porter son attention sur les trains, qu'ils soient pleins au départ ou vides au retour. Son regard se détourne de la guerre en elle-même pour se concentrer sur le nazisme et ses horreurs, à travers le prisme d'un homme (de "l'intérieur") qui tente de résister. Plutôt que de filmer la religion, le réalisateur se penche sur l'inaction du Vatican, incarnée par un prêtre s'efforçant d'éveiller les consciences de sa communauté (en contraste, notamment, avec un pape feignant de condamner sans réellement le faire). Le film évite tout pathos pour dénoncer de manière brutale et réaliste. Avec un rythme soutenu et des images poignantes, il captive de bout en bout. Les performances, notamment celle de Mathieu Kassovitz (étonnement convaincant) et d'Ulrich Tukur, sont excellentes.
L'approche du film est singulière, optant pour une tonalité plus introspective qu'accusatrice. Elle met en lumière le fait que presque tout le monde était complice, complaisant ou coupable. Chacun est ainsi encouragé à examiner son propre rôle et à pratiquer l'introspection. Le film décompose la réaction individuelle face à des événements extrêmes, offrant une parabole historiquement réaliste.
"Amen." se démarque comme l'un des films les plus perturbants sur ce sujet, plus intense même que "La Liste de Schindler" selon moi. Bien qu'il puisse manquer d'une mise en scène aussi marquante que celle des grands films du genre (c'est regrettable que la qualité photographique et l'esthétique du film donnent l'impression d'un téléfilm), notamment celui de Spielberg mentionné précédemment, "Amen" demeure un film audacieux qui dénonce avec une fermeté indéniable. Il soulève la question de savoir si ceux qui ferment les yeux sont plus horribles que les bourreaux eux-mêmes (?).