Après avoir donné la parole aux sans-abris peuplant la ville de Paris, Claus Drexel s'intéresse à une autre population marginalisée, celle des confins de l'Amérique profonde, les white trash des petits villages de l'étouffante Arizona. Usant d'une approche quasi-sociologique pour nous faire découvrir des groupes humains trop méconnus à nos yeux, Drexel offre une véritable rencontre où l'écran de cinéma n'est qu'une interface dans la découverte de personnes auxquelles notre imaginaire a pu attribuer une certaine étiquette sans toutefois essayer de comprendre leur mécanisme de pensées.
En cela, "America" mérite d'être vu tant il nous porte au plus près de ses défenseurs des armes à feux et autres personnages improbables affublés de stetson et vivant reclus loin de toute civilisation urbaine. Alors oui, le documentaire de Drexel ne révolutionne absolument pas les codes du genre et n'use de pratiquement aucun artifice pour porter son sujet (mis à part ses superbes plans d'une nature à la fois merveilleuse et hostile) mais il porte ce regard dénué de tout jugement sur ces Américains victimes des clichés et souffrant terriblement de l'évolution sociétal de leur pays.
Entre pro-Trump, progressistes et désintéressés de la politique américaine, le cinéaste offre une belle série de portraits où chacun est libre de dénoncer et de se livrer à ce moment charnière de la vie politique américaine. Trump, bien présent durant tout le film, est représenté par une voix-off énonçant ses fameux discours populistes qui, mis en parallèle avec les images du documentaire, trouve alors une certaine résonance et semble être la seule voix capable d'être entendue jusque dans ces contrées aussi reculées (ou du moins, la seule s'adressant véritablement à eux).
Une plongée intéressante dans la psyché d'une certaine Amérique trop souvent sujet de railleries et qui a pris une certaine forme de revanche en élisant Donald Trump à la Maison-Blanche mais aussi un voyage dans une région où l'avancée de la civilisation semble s'être figée il y a maintenant des années pour ne laisser qu'une sorte de Mad Max chez les rednecks. Dépaysant et enrichissant.